Casse-toi! Crève mon fils. Je ne veux pas de pédé dans ma vie
PÉRIER Jean-Marie, oh ! éditions, 2010, 169 p.
La liberté de ton des médias, le succès annuel de la gaypride, la réélection du maire de la capitale qui n’a jamais caché son orientation sexuelle … autant de facteurs qui pourraient laisser croire que le cœur de la France bat au même rythme que le quartier du Marais à Paris. Mais, c’est sans compter sur le poids des préjugés qui pèse sur une partie non négligeable de la population, pour qui l’homosexualité est encore au choix une malformation, une tare, une horreur, une honte ou une incontrôlable aversion. On retrouve cette homophobie dans toutes les couches sociales. La peur de l’autre et de sa différence est ce qui est le plus universellement partagé, source des pires horreurs. Et, notamment, chez certains hommes pour qui la hantise de retrouver en soi tout ce qui peut ressembler à l’autre, c’est à dire aux femmes, est insupportable. Jean-Marie Périer, célèbre photographe people, a toujours considéré l’homosexualité comme une évidence. Ce milieu ne lui est pas étranger, même s’il l’avoue « je ne peux pas dire que le spectacle de deux garçons s’embrassant me mette vraiment à l’aise » (p. 90). Ce n’est donc pas un militant de la cause gay qui s’exprime ici, mais un simple citoyen qui découvre un matin, en lisant son quotidien, une information qui le stupéfie : « chassés par leur famille de jeunes gays se retrouvent à la rue ». Des études réalisées aux USA font état que 20 à 40% des sdf sont en fait de jeunes homosexuels mis à la porte par leurs parents. Aucun chiffre n’existe sur cette réalité dans notre pays. Mais elle existe, puisque l’association « le refuge » accueille ces jeunes (cf. dossier Lien Social n°916). L’auteur est allé à leur rencontre. Le récit qu’il nous en fait est digne du pire des obscurantismes. L’atmosphère dans laquelle grandit tout enfant est parfois délétère. Ces cours d’école où les gamins se traitent de pédé. Ces parents s’écriant, quand ils entendent parler des gays : « que Dieu leur envoie le sida » ou encore « je préférerai savoir mon fils mort que d’apprendre qu’il est pédé ». Sentir monter en soi une attirance pour une personne du même sexe devient alors synonyme d’angoisse face à la possible réaction familiale. Celle-ci peut être bienveillante. Mais il arrive qu’elle soit d’une violence impensable : être traîné de force chez un psy ou pire chez un exorciste, menacé (« tu as intérêt à courir vite, car si je te rattrape, je t’égorge »), renié, se retrouver à la rue, avec ses deux sacs poubelles remplies d’affaires, sans savoir où coucher le soir. Les accueils d’urgence, la prostitution, l’hostilité parfois même des intervenants sociaux (« vous n’avez qu’à vous trouver un vieux dans le Marais » aurait dit une assistante sociale !). L’horreur et la honte : c’est ce qu’inspire cette intolérance insupportable.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°974 ■ 27/05/2010