Nouvelle gestion des SDF. Comparaisons internationales de politiques pour les sans abri
DEQUIRÉ Anne-Françoise et RULLAC Stéphane (sous la direction), Le Sociographe n°48, Ed. Champ Social, Décembre 2014, 144 p.
Selon une enquête conjointe de l’INSEE et de l’INED, les sans domiciles fixes étaient, en 2012, au nombre de 141.500 (soit une augmentation de 50% par rapport à 2001). Un peu moins de la moitié serait hébergée en collectif, le tiers en logement individuel, 10 % en hôtel et les derniers 10 % seraient toujours sans abri. La proportion du nombre d’étrangers sans papiers serait passée de 38 à 52% sur ces mêmes périodes. Fort de cet état des lieux précis et détaillé, les contributeurs de ce numéro du Sociographe comparent les politiques sociales menées en France à l’intention de cette population, avec celle conçue en Grande Bretagne, en Suisse ou au Canada. Parmi les pires situations que l’on trouve, il y a cette volonté affichée d’imposer des conditions de vie inférieures au reste de la population. Ce traitement est appliqué délibérément, pour que l’installation dans l’assistanat soit considérée comme peu enviable. Il ne s’agit pas de répondre à des situations complexes, en tenant compte de la diversité des profils combinant l’errance avec la maladie mentale, la toxicomanie, l’alcoolisme ou une histoire familiale et/ou personnelle chaotique, mais de monter des solutions transitoires s’adressant à des publics cibles et à des catégories simples. Un chantage les menace de supprimer le travail et l’hébergement qui leur sont proposés, s’il ne s’insère pas rapidement. L’aide doit être conçue pour simultanément accueillir et chasser. Budget limité, réduction délibéré de l’offre, absence de suivi véritable : tout est fait non pour garantir la dignité humaine minimale que l’on doit à tout citoyen, mais pour désigner les SDF comme des indésirables. D’autres politiques émergent toutefois, inversant complètement ce paradigme. D’abord appliqué en santé mentale, le programme anglo-saxon « Housing first », a gagné notre pays, en l’élargissant aux populations en errance qui se voit offrir l’accès à « un chez soi, d’abord ». Appliquée maladroitement en 2009, comme moyen de réduire les crédits, cette politique sociale mérite pourtant une attention soutenue, tant les résultats obtenus sont prometteurs. Cette démarche consiste à ne pas inscrire la personne d’abord dans un processus de changement intégrant le soin, le sevrage et l’abstinence, avant d’envisager l’accès à un logement stabilisé, mais de lui assurer un mieux-être immédiat et sans condition, comme préalable à tout accompagnement permettant ensuite d’aborder ses autres problématiques. Deux ans après le début d’une telle opération expérimentale menée à Marseille, 97% des bénéficiaires étaient toujours dans leur logement et 40 % y vivaient de façon autonome. Se pose, pourtant, une question de société induite par cette approche : reconnaît-on le droit à l’errance ou veut-on l’éradiquer ?
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1154 ■ 08/01/2015