Qui dort dehors ?
DAMON Julien, Éd. L’Aube, 2020, 115 p.
Isolés ou par petits groupes, allongés à même le sol ou sous une tente, ils passent difficilement inaperçus dans l’espace public. Qu’on les nomme sans logis, sans-abri, clochards, vagabonds, mendiants, voire même « habitants de la rue », certains y sont depuis (et pour) longtemps, quand d’autres ne font qu’y passer. Spécialiste de cette question, Julien Damon y consacre un nouveau livre regroupant une dizaine d’articles et d’études qu’il lui a consacrés. Difficile de dénombrer la population mouvante et fluctuante des sdf. A ceux rencontrés dans les rues, se rajoutent d’autres trouvant refuge en squat, dans les halls, les cours privées ou les caves. On en compterait entre 100 000 et 800 000. Si les chiffres s’avèrent trop faibles, on crie à la minimisation. Mais s’ils sont trop élevés, ils peuvent effrayer les décideurs. En 2013, l’INSEE estimait que 10 % de la population aurait connu un épisode de sans-abrisme. Face à cette situation, les pouvoirs publics se sont mobilisés : depuis 2004, le nombre de places en Centre d’hébergement et de réadaptation sociale s’est accru de 50 %, celui des chambres d’hôtels a été multiplié par sept et celui des centres pour demandeurs d’asile par cinq. La crise que l’on connaît aujourd’hui est liée à la proportion d’étrangers qui est passée de 38 % en 2001 à 53 % en 2012. Les autorités sont en fait victimes d’une politique paradoxale : dureté face à l’immigration et les demandes d’asile et laxisme face à l’occupation de l’espace public. L’auteur dépasse néanmoins ces constats pessimistes, en proposant une modification des modalités d’accueil tenant compte des situations individuelles, au lieu d’offrir les mêmes prises en charge pour tous. Il note notamment les résultats prometteurs du programme « un logement d’abord » proposé sans accueil d’urgence ou collectif préalable.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1282 ■ 27/10/2020