Pourquoi l’histoire a effacé les femmes
LECOQ Titiou, Éd. L’Iconoclaste, 2021, 328 p.
Il est un mythe tenace qui attribue à l’histoire en général, et celle des femmes en particulier, un sens naturel allant d’un état de servitude totale vers une libération complète. Titiou Lecoq fait justice de cette idée reçue, en parcourant une chronologie qui démontre l’entremêlement d’époques à la fois de liberté et d’oppression. En commençant par une préhistoire marquée par une grande variation de la division du travail entre hommes et femmes, du fait de l’extrême diversité des normes sociales et culturelles, du climat et des saisons, de la composition et des modes de vie de chaque groupe humain. Exit, donc, l’image de garçons à la chasse et de filles à la cueillette, depuis que le quart des tombes retrouvées sont celles de chasseuses et que des traces de peintures féminines ont été identifiées dans les grottes. L’avènement, au néolithique, d’un patriarcat dominateur a réussi à effacer les traces des femmes. Pourtant, elles abondent ! Avec, pour commencer, le premier texte jamais écrit qui remonte à 2300 ans avant JC : celui de la grande prêtresse Enheduanna. C’est aux peuples barbares et non aux civilisations grecques et romaines que l’on doit un traitement plus égalitaire. Le moyen-âge est peuplé d’archères et de chevaleresses défendant leur terre en portant l’armure, d’enlumineuses, de bâtisseuses de cathédrales, de maréchales-ferrants, d’orfévresses … Des femmes tiennent le pouvoir, jusqu’à ce que la loi salique les en chasse. La renaissance se confond avec la montée d’une haine qui fait tout pour réduire leur autonomie. Leur importance dans la littérature est minimisée, quand elle n’est pas niée. Les combats des deux derniers siècles réactualisent leur rayonnement. Chaque fois que les femmes gagnent en visibilité, elles sont effacées, avant de revenir sur scène.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1312 ■ 01/03/2022