La question trans

HABIB Claude, Éd. Gallimard, 2021, 174p.

Affirmer que le sexe est déterminé par la biologie est-il incompatible avec les droits humains ? L’identité, dépendant dorénavant de l’auto appréciation, devient-elle disponible au consommateur pouvant en changer à son gré ? Le genre relève-t-il de l’arbitraire social (féministes) ou d’une essence enfouie au plus profond de soi (transgenres) ? Les questions iconoclastes de l’auteure, inspirées de faits divers longuement exposés, ne contestent pas le droit des personnes transgenres à se voir faciliter l’existence. Si le débat sur la dysphorie de genre longtemps identifiée à une pathologie a cédé le pas à la conviction d’une expérience comme une autre de la condition humaine, il n’est pas pour autant clos. La transidentité est devenue une cause légitime pour la conquête de nouvelles libertés, mais aussi une ultime et tentante frontière de l’immoralité et du scandale. Elle est à la fois la fin de la discordance entre un sentiment intérieur et le rôle social contraint et imposé et à la fois un dérivatif aux chagrins d’enfance et à la crise d’adolescence. Elle permet de devenir ce que l’on sent être, mais elle donne aussi du sens au dégoût de soi, au rejet de son corps, à l’accablement existentiel. Sans oublier une lourde problématique : faut-il autoriser la transition, si le besoin se manifeste dans l’enfance ou attendre la majorité ? Certes, plus elle intervient tôt, plus elle répond rapidement au mal-être, l’identité revendiquée comme innée pouvant être rétablie. Plus elle tarde, plus le sentiment d’une perte irréversible de temps s’impose. Mais la proportion d’enfants dont les symptômes s’estompent en grandissant interroge la nécessité d’une intervention trop en amont d’un véritable consentement éclairé. Le bonheur des transitions réussies contrebalancent-il le charcutage physique regretté ensuite ?

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1325 ■ 18/10/2022