Ces gens-là. Histoire du logement ordinaire

Minelle VERDIE et Jean-Louis SAIZ, Syros, 217 p., 1995

 « Ces gens-là », ce sont les clients habituels du service social. On les retrouve plus traditionnellement dans les salles d’attente des assistantes sociales ou dans les locaux des associations caritatives. Ici, ils occupent le devant de la scène. Non seulement ils sont les sujets d’un reportage plein d’émotion mais ils sont aussi le thème de superbes photographies. Pour compléter le tout, les éditions Syros ont choisi du papier glacé.
De quoi s’agit-il ? D’un plaidoyer sur le scandale qui fait qu’aujourd’hui, dans un pays qui fait partie des plus grandes puissances du monde, des dizaines de milliers de familles ne peuvent disposer d’un logement décent. Mais attention, ce livre ne donne pas la parole aux avocats, spécialistes ou représentants d’association. Non, ce sont les acteurs eux-mêmes de cette exclusion qui s’expriment, expliquant leur vie et leur itinéraire, leur attente et leur combat, leurs victoires et leurs déceptions. C’est un véritable tour de France auquel nous convient les auteurs. Dix étapes au travers de portraits plus attachants les uns que les autres: immigrés ou français de souche, chômeurs ou travailleurs précaires, familles nombreuses ou isolés, tous partagent le même « privilège », celui de souffrir du non-logement ou du mal-logement. Aux côtés de ces exclus des associations qui se battent pour les aider, les accompagner et cheminer à leurs côtés. A la fin de chaque chapitre, un encadré permet de découvrir la nature, les objectifs et les actions de ces structures.
Dès les premières pages, le voyage commence. On fait alors connaissance avec Emilia et ses six enfants squattant à Aubervilliers des garages le long du RER. Jacques et Antoinette de Grenoble ont quant à eux accumulé malheurs, accidents et galères. Submergés de dettes, ils n’arrêtent pas d’accumuler des étalements pour tenter de les combler. Et puis, il y a le quartier des Terraillon à Lyon: l’humidité qui pénètre de partout oblige à refaire les tapisseries tous les deux ans. Le chauffage conçu à l’époque de l’énergie bon marché a été prévu sans vanne d’ouverture-fermeture. A Fréjus, subsiste depuis des années à douze minutes de la promenade du port un bidonville: un robinet pour deux cent personnes, pas de WC ni de ramassage des ordures qui s’accumulent au milieu du camp. Claire et Franck de Nice, ont eux un mal fou à trouver un appartement pour leur grande famille. Originaires du Zaïre, ils sont victimes du racisme ordinaire ...
Le livre part des situations d’origine et décrit les combats qui parfois réussissent, aboutissant à un relogement plus ou moins satisfaisant mais en tout cas moins précaire. Courage et persévérance des sans-logis qui se sont structurés et organisés en groupe de pression,  ténacité des travailleurs sociaux et associations, c’est un véritable travail de fourmi pour que famille après famille chacun puisse obtenir la satisfaction d’un droit pourtant élémentaire: celui de bénéficier d’un logement décent.
 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°327 ■ 09/11/1995