Les SDF et le nouveau contrat social

Maryse BRESSON, L’Harmattan, 1997, 234 p

Face à une exclusion qui ne cesse de prendre de l’ampleur, l’auteur préconise une nécessaire et salutaire déconstruction de tous les préjugés sur cette question.
Non, le vagabondage n’a pas toujours été synonyme de grande pauvreté et d’indigence. Cette réalité ancienne est devenue un problème politique avant d’être un problème social. C’est le salariat qui a imposé le travail pour les valides, les hôpitaux pour les invalides, la prison pour ceux qui résistaient à cet agencement (en 1899, on comptabilisait 50.000 arrestation pour vagabondage).
Non, les sdf ne sont pas dans une proportion importante démunis psychologiquement. Beaucoup de leurs comportements bizarres ne sont que des adaptations à la vie de la rue.
Non, il n’y a pas de corrélation systématique entre alcoolisme et exclusion : les études démontrent un pourcentage de risque voisin que dans les autres couches de la population.
Non, les sdf ne sont pas obligatoirement dans une situation sociale et intellectuelle défavorisée.
Il faut en finir avec cette argumentation qui fait des exclus les responsables de leur propre situation. Ils seraient coupables du fait de leur fainéantise, de leur imprévoyance, de leur manque d’hygiène, de leur alcoolisme, de leur violence.
La logique de l’exclusion n’est pas individuelle mais sociale.  Ce qui la caractérise  n’est pas seulement l’inadéquation à l’égard de la norme-travail. Intervient aussi comme un facteur tout à fait essentiel la non-intégration de la norme-logement. L’absence de lieu de résidence fixe handicape la vie sociale et professionnelle, familiale et amicale. Peu est fait à ce niveau, et quand il l’est fait, il l’est mal fait. La gestion des sans-abris est encore marquée du sceau de la répression, de la méfiance et du soupçon. Les lieux d’accueil imposent des contraintes excessives, des mesures vexatoires et une règlement drastique qui menace à tout instant l’expulsion. Ainsi, de cette règle qui interdit toute introduction d’alcool mais qui oblige à passer toute la journée en dehors quel que soit le temps : comme prévention de l’alcoolisme, on fait mieux ! Quant aux démarches officielles qui leur sont demandées, elles relèvent le plus souvent du parcours du combattant.
Prévenir l’exclusion nécessite de reformuler un nouveau contrat social qui fasse du logement et de l’accès aux droits un constituant essentiel de la citoyenneté. Revoir les règles d’attribution des appartements sociaux sans exclure les plus démunis, ni les regrouper au même endroit, modifier la politique d’accueil d’urgence, tels sont les axes d’intervention nécessaires.
 

Jacques Trémintin -LIEN SOCIAL ■ n°466 ■ 10/12/1998