Annonce du handicap - Représentations et réalités: pour un acte professionnel

Il y a 30 ans, cette rubrique remonte le temps en remettant sur le devant des critiques parue il y a trois décennies…

CREAI Rhône-Alpes, Eliane Corbet et Jacques Gréco, 1994, 129 p.

Médiasocial, la maison d’édition du CREAI Rhône-Alpes nous propose deux nouveaux thèmes de réflexion: le travail avec les parents et l’annonce du handicap. A commander au 46, rue Président Herriot 69002 Lyon.

Quel rôle joue la façon dont la révélation est faite aux parents de la déficience de leur enfant dans la trajectoire de celui-ci ? C’est autour de cette problématique que le CREAI de Rhône-Alpes a réalisé une étude à base d’entretiens de parents et de professionnels. Les résultats présentés dans cet opuscule sont riches d’enseignements.

Si dans la relation à l’enfant handicapé, le professionnel se situe dans un champ nécessairement distancié de la souffrance, les parents se positionnent dans un champ d’expérience intime plongé dans l’émotion. Ce qu’ils ressentent alors à l’annonce de ce qui frappe leur enfant n’est pas comparable à une douleur physique que l’on peut soigner ou mettre à distance. C’est un effondrement, une sensation d’écrasement qui s’emparent alors d’eux, une sorte de chute dont ils ont du mal à se relever. C’est qu’il leur faut mesurer l’étendue de la perte liée à la déficience de leur enfant, s’y adapter dans l’imaginaire (comme se faire à lui), et dans le réel (comment faire avec lui), trouver des modes d’action pour dépasser l’anxiété qui a envahi la relation affective et entrer en relation enfin avec lui. L’avenir de leur enfant dépend de l’accomplissement de toutes ces tâches.

Première réaction possible, le déni qui est plus alors une défense provisoire contre l’inacceptable qu’un aveuglement. Ce peut être aussi le transfert de la violence et de la culpabilité ressenties sur celui qui annonce la mauvaise nouvelle.

Les professionnels eux, dans un désir d’éviter l’impact d’une vérité trop brutale, hésitent parfois à tout révéler. Mais la plus grande brutalité qui puisse être faite aux parents serait de les laisser dans l’indétermination. Répondre à leur plainte, c’est décrire la déficience. La mère qui sent instinctivement qu’il y a quelque chose qui ne va pas, s’en trouve soulagée tant par rapport à sa peur que la catastrophe ait pu être encore pire que par la confirmation de pressentiments qu’elle n’arrivait pas à exprimer.

Il est fondamental que cette révélation soit accompagnée afin de potentialiser les parents et de protéger les possibilités restantes d’investir l’enfant. Trois phases devraient être respectées: celle de l’assertion d’abord consistant à annoncer la gravité du mal qui frappe l’enfant. Ensuite l’attitude ‘’apocryptique’’ permet de relativiser la vérité assénée et de libérer les parents d’une paralysie et d’une dépendance liée à cette réalité sidérante, en rappelant les compétences encore possibles. Enfin, l’étape dite performatrice conduit les parents à se construire les capacités requises correspondantes au handicap de leur enfant. L’articulation entre ces trois fonctions bien distinctes nécessiterait que l’on passe d’un réseau aléatoire à un système articulé de prise en charge de chacune par des professionnels différents.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°318 ■ 07/09/1995