Accompagnement érotique et handicap. Au désir des corps, réponses sensuelles et sexuelles avec cœur
Catherine-Agathe DISERENS, Françoise VATRE, éditions Chronique Sociale, 2006, 157 p.
L’heure n’est plus à la dénégation des pulsions et des besoins érotiques et sexuels des personnes atteintes de handicap. Notre société qui avait pris l’habitude de décider qui a droit aux pratiques sexuelles, en les refusant aux populations diminuées tant psychiquement que physiquement, a fini par évoluer et à admettre, contre mauvaise fortune bon cœur, qu’il était normal et bienfaisant qu’elles vivent pleinement cette dimension de l’existence. Reste que les hommes et les femmes concernées peuvent se révéler incapables de trouver ou de maîtriser les conduites, les habiletés et comportements qui permettent de jouir de leur corps. La question qui se pose donc aujourd’hui est bien celle de l’accompagnement de ces actes, d’une manière ou d’une autre, à un moment ou à un autre. S’il est difficile, tant à la famille qu’aux soignants, de ne plus voir dans leur patient d’éternels enfants innocents ou des monstres dévorés par leurs instincts, on peut imaginer que ce soit encore plus compliqué de s’imaginer dans l’ajustement constant au rythme de l’autre pour aider à ce que son désir sexuel s’accomplisse. De fait, s’impose d’abord le principe de la protection des plus faibles, tout geste sexuel à l’égard d’un adulte porteur de handicap étant encore perçu comme un abus et un acte pervers passible de la justice pénale. Et puis, même si l’univers de ces personnes est jalonné d’ingérences plus ou moins nécessaires de la part de tiers (parents ou professionnels), il s’agit là pour ces derniers d’entendre, de voir, de savoir, de juger et de décider à partir d’une intimité qui ne leur appartient pas ! Bien sûr, il y a toujours eu des gestes de « soulagement » clandestin. Mais, avec l’exigence de transparence et de la reconnaissance des droits des usagers, la donne a changé. La Suisse a vu émerger, dans les années 2000, des expériences présentées dans des articles de presse. Y était rapportée la palette d’offres sensorielles, sensuelles et sexuelles offerte par des caresseurs/euses et des attoucheurs/euses. L’ambiguïté de ces termes dans une société sensibilisée aux agressions sexuelles sur mineurs a fait évoluer la sémantique. On a très vite préféré évoquer l’assistance, l’aide ou l’accompagnement sexuels. Le recours à des prostitué(e)s a d’abord été privilégié. Mais, les professionnels du sexe, aussi doués soient-ils pour maintes situations intimes, ne sont pas forcément toujours à l’aise face aux stigmates et dysmorphies d’un corps handicapé. Ils peuvent même se trouver très déstabilisés face aux nécessaires transferts entre le lit et la chaise roulante, aux déshabillages, aux prothèses, sondes, drains et autres particularités orthopédiques. Sans compter que les codes de communication pour exprimer la nature des désirs peuvent être parfois chaotiques. C’est ainsi qu’on en est arrivé à l’idée de former des intervenant(e)s spécialisé(e)s. Une stricte sélection a permis de choisir une première promotion composée de six hommes et de six femmes au profil très précis : capacité à se remettre en question, clarification rigoureuse des motivations, vie affective stable en couple (vérification auprès des trois derniers partenaires s’ils existent), casier judiciaire vierge, bonne santé mentale et physique… Forts de ces postulats, les candidats reçurent une formation de base de connaissance des handicaps. Mais, surtout, ils s’entraînèrent à entrer en phase avec leurs propres sensations, limites, réserves et peurs, condition sine qua non, pour écouter, sentir, accueillir, comprendre les besoins, les attentes, paniques, désirs et espoirs de l’autre. Leur formation les conduisit à adopter des approches très progressives et respectueuses, lentes, prudentes, délicates, fines et humbles. Une telle pratique n’est pas sans soulever de multiples questionnements et réserves. Les auteurs consacrent toute une partie de l’ouvrage à y répondre, dans un esprit ouvert et constructif.
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°851 ■ 06/09/2007