Fauteuils en état de siège
SAMANOS Paul, Éd. la boite à bulle, 2011, 112 p.
Peut-on rire du handicap ? L’idée semble, au premier abord, malsaine. Difficile d’imaginer que cette situation puisse provoquer une quelconque hilarité. Mais si tourner en dérision, sous quelque forme que ce soit, celles et ceux qui la subissent est insupportable, c’est peut-être parce qu’on limite la déficience aux seuls manque, déficit et privation. Si l’on aborde la question sous l’angle de la différence, d’une autre façon d’être capable et de la diversité de l’espèce humaine, il y a alors bien moins de raisons pour que cette catégorie de la population échappe à l’humour. Une blague antisémite est répugnante. Ce qui n’empêche pas la communauté juive d’exceller dans des histoires drôles qui manient avec finesse l’auto dérision. On peut et l’on doit protester et revendiquer face aux retards pris par notre société dans la prise en compte du handicap. Ce qui n’empêche pas, parallèlement, d’en rire. On a connu un Patrick Timsit guère inspiré sur les personnes atteintes de trisomie. Il fera d’ailleurs amende honorable de sa plaisanterie de mauvais goût. Quand Paul Samonos dessine sur le handicap moteur, il sait de quoi il parle, puisqu’il est devenu lui-même tétraplégique, après un accident sportif. Les complications pratiques quotidiennes de sa situation, il les connaît. Ce que fait l’auteur avec une finesse et une tendresse qui méritent qu’on aille y voir de plus près. Scènes de vie ou situations cocasses, cette bande dessinée regorge de ces traits de crayon qui expliquent mieux qu’un long discours. Première planche : un personnage en fauteuil potasse un ouvrage « réussir malgré le handicap » … sur la table s’empilent les tomes 2 à 6. Dernière planche : un Adam en fauteuil tente désespérément de cueillir une pomme inaccessible et propose à Ève de plutôt croquer une fraise. Aux lecteurs de découvrir les 105 autres planches.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1030 ■ 15/09/2011