Le garçon de la lune. L’amour d’un père pour son fils handicapé
BROWN Ian, Albin Michel, 2011, 302 p.
Voilà un ouvrage dont la lecture n’est pas facile à entreprendre, ni à poursuivre jusqu’au bout. On est tenté de l’interrompre en cours de route, pris par un sentiment d’accablement et de désespérance. On aurait bien tort. Car, le livre de ce journaliste canadien, papa d’un enfant lourdement handicapé, constitue un témoignage d’optimisme et d’humanité tout à fait saisissant. Tout commence par la naissance d’un bébé qui n’aurait sans doute jamais survécu, il y a de cela quelques décennies. L’enfant est atteint du syndrome cardio facio cutané, l’une des ces 6.000 maladies orphelines que l’on n’a réussie à diagnostiquer qu’en 1979 et qui frappe une centaine de cas, à travers le monde. La mâchoire inférieure lourde, le menton quasiment inexistant, une absence de sourcil, des lèvres épaisses, Walker souffre de douleurs thoraciques et de constipation, d’otalgies et de cardiopathie. Sa peau est squameuse et atrocement douloureuse. L’enfant se mord et se cogne la tête toute la journée. Il est sous respirateur artificiel et est nourri par sonde gastrique. Il est atteint de surdité et de retard mental. Il ne communique pas. Plus il avance en âge et plus ses malformations sont visibles. Avant lui, le futur semblait une succession de défis à relever, après lui l’avenir parait immuable, triste et lugubre. Depuis sa naissance, aucun de ses deux parents n’a pu passer une nuit complète, tant son sommeil est agité et traversé de cris et d’agitation. Accompagner les premières années de leur enfant a nécessité qu’ils aillent consulter toutes les spécialités médicales que l’on puisse imaginer : spécialistes des oreilles et des yeux, dermatologue, expert en reflux gastrique, neurologue, podologue, ergothérapeute, orthophoniste, généticien, cardiologue etc… Dans le regard des autres, ce petit être est un objet de peur, de pitié ou de haine. Et pourtant, son père n’imagine pas son existence, sans son petit garçon : « que ferai-je sans lui ? » explique-t-il, à travers des pages d’un amour filial particulièrement émouvant. Et l’on suit Ian Brown, déchiré par la décision d’avoir à placer son petit garçon en institution spécialisée ou voyageant à travers le monde pour aller à la rencontre des familles d’enfants souffrant du même syndrome. C’est en France, qu’il trouvera la réponse ultime à ses questions, concernant le sens de la vie de Walker. Il ira rencontrer L’Arche, la communauté fondée par Jean Vannier, où les personnes porteuses de handicap qui y séjournent apportent bien plus aux assistants valides qu’elles côtoient que l’inverse. Il comprendra alors la différence entre la faiblesse qui s’oppose à la force et la fragilité qui est le contraire de la puissance. Si le handicap prive de la force, il préserve la puissance.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1049 ■ 09/02/2012