AbanDON Adoption. Quand la mère se retire
PLANCHIN Edwige, L’Harmattan, 2011, 236 p.
La perception du handicap est en train de se modifier, le regard de l’opinion publique changeant progressivement de perspective. Face à la représentation de la déficience qui induit une idée de manque, monte en puissance la conviction de compétences différentes de celles et ceux qui sont aussi désignés comme « autrement capables ». Aussi, le choix que fait un couple, à l’annonce du probable handicap de son enfant, soit d’avorter, soit de l’abandonner est aujourd’hui lourd à porter. Il faut, pourtant, reconnaître toute la légitimité d’une telle décision. C’est ce que nous permet de concevoir l’auteure, à travers le récit pathétique et émouvant de ce qu’elle a vécu avec son mari. Lorsqu’à la douzième semaine de grossesse, un diagnostic anténatal établit qu’il y a peu de chance que leur bébé survive ou soit en bonne santé, c’est un peu comme si le monde s’effondrait sur eux. Les avis médicaux se succèdent et se contredisent : les uns conseillent de ne pas garder le fœtus, car « rien n’est fait pour accueillir les enfants handicapés, il n’y a jamais assez de places en institutions », et les autres affirment, après de nouveaux examens, que le seul risque subsistant est celui d’une cardiopathie tout à fait opérable. Le couple hésite, optant d’abord pour une interruption médicale de grossesse. Puis, il y renonce. A la naissance, le 22 août, le diagnostic tombe : Ulysse est atteint du syndrome de Noonan, maladie génétique rare qui affecte une naissance sur 2.500. Nouvelle tempête sous un crâne. Le 6 septembre, le couple décide d’une remise en vue d’adoption. Le 26 septembre, le bébé décède. Les parents choisissent alors de se rétracter, afin de pouvoir enterrer leur fils Ulysse. Expérience terrible, décrite page après page, que ces prises de décisions lourdes de conséquences : interrompre la grossesse ou pas, abandonner le bébé ou pas. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise position à adopter, juste une alternative à trancher, à un moment donné, par un choix qu’il faudra de toute façon apprivoiser. Témoignage d’un effroyable calvaire qui nous fait prendre la mesure du poids du jugement social. Que faut-il annoncer à l’entourage qui demande des nouvelles du bébé ? Leur dire la vérité ? Préférer affirmer que cela s’est mal passé et que l’on n’a pas envie d’en parler ? Et puis, constater qu’il est moins dur d’annoncer la mort d’un enfant que de se justifier sur son geste d’abandon. Épreuve tragique, que de manifester un amour infini pour cet enfant différent, mais de ne pas se sentir en capacité de faire face à son éducation. Et préférer faire un don, pour qu’il puisse trouver de nouveaux parents, même si le cadeau est cassé. Un livre courageux pour apprendre, comprendre et accepter cette forme de détresse que certains parents ne réussissent jamais à surmonter.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1049 ■ 09/02/2012