Préfet des autres
PARISOT Jean-Christophe, Ed. Desclée de Brouwer, 2011, 192 p.
Enfant valide dans les années 1970, Jean-Christophe Parisot perd l’usage de ses jambes, à l’âge de dix ans. La myopathie dont il est atteint paralyse progressivement l’ensemble de son corps, au point de ne plus lui laisser la possibilité, aujourd’hui, que de bouger un seul doigt de main. Une cinquantaine d’hospitalisations, 100.000 heures de soin, des centaines de nuits d’épreuve auraient pu avoir raison de sa volonté et le briser. Il résista, grâce à l’exceptionnel esprit de solidarité de sa famille qui fit le choix de le garder auprès d’elle. L’époque était alors à une redoutable handignorance. Lorsque l’auteur, enfant, tente d’aller au cinéma avec son père, on refuse de leur vendre une place, sous de fallacieux prétextes de sécurité. Quand devenu adulte, il subira la même humiliation, il s’adressera directement au PDG de Gaumont France qui, après enquête, lui proposera le licenciement immédiat de la Directrice de la salle lui ayant refusé l’entrée. Il optera pour la pédagogie, préférant avoir un entretien avec l’auteur de cette insupportable discrimination. C’est que la force impressionnante avec laquelle Jean-Christophe Parisot fait face à sa terrifiante maladie, aura tout autant alimenté son farouche engagement militant. En 1989, il fonde la Ligue Nationale des Étudiants Handicapés et en 2000 le Collectif des Démocrates Handicapés. Il annonce sa candidature aux deux dernières élections présidentielles et participe aux sénatoriales en 2004. Docteur en science politique, en 1995, il végète comme fonctionnaire du département des Hauts de Seine, avant de devenir Délégué ministériel à l'Emploi et à l'Intégration des personnes handicapées, en 2007 et sous-préfet de Cahors, en 2008. C’est le premier membre du corps préfectoral en situation de handicap, qui plus est, tétraplégique et trachéotomisé. Cette promotion ne l’a pas, pour autant, décidé à rentrer dans le rang. Son ouvrage est un vibrant appel lancé au monde des valides. Que nous dit-il ? L’attribution de quelques allocations, de quelques foyers, de quelques emplois ou WC aménagés ne remplacera jamais la liberté d’organiser sa vie. Ce qu’il revendique, c’est que les personnes souffrant de handicap ne soient plus les spectatrices de leur propre immobilité, mais qu’elles puissent enfin accéder au droit de participer activement à l’organisation de leur existence et des soins qui les concernent : pouvoir choisir leur contenu et leur rythme, le matériel utilisé, les horaires, le personnel soignant. Marié et père de quatre enfants, Jean-Christophe Parisot est le symbole de la France de demain telle qu’on l’espère. Un pays où la scène vécue lors d’une commémoration au monument au mort sera devenue banale : un sous-préfet passant en revue des gendarmes et des pompiers, en fauteuil roulant électrique.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1032 ■ 29/09/2011