Melville Street
DEVILLE Xavier, Ed. Sulliver, 2015, 180 p.
La Nouvelle-Zélande a appliqué le principe de désinstitutionalisation à ses habitants porteurs de handicap, en fermant les grands internats et en leur substituant des petits lieux de vie. C’est dans l’une de ces maisons que se situe le récit de Xavier Deville qui décrit, dans un style rythmé et dynamique, son vécu auprès d'un groupe d'adultes déficients. Le matin, il les réveille, les aide à s'habiller, veille à ce qu'ils prennent bien leurs médicaments, leur donne leur petit déjeuner et prépare leur repas du midi. Le soir, il les accueille à leur retour du centre de jour, les accompagne à la douche, leur donne leur souper et assure leur coucher. Derrière cette routine apparente, on découvre des êtres singuliers et attachants et le fonctionnement parfois ubuesque de l'institution gestionnaire, démontrant l'universalité de la problématique du handicap et de sa prise en charge. Nous faisons ainsi connaissance de « Tommy dans son fauteuil » qui se réveille tous les jours dans un océan de pisse ; de « Tommy-debout », autonome mais attendant chaque matin sur son lit qu'on veuille bien lui mettre ses chaussettes ; d’« Aquatique Jon » jamais autant dans le bonheur que sous sa douche ; de Carolyn refusant systématiquement de prendre ses médicaments ; de Chesley aimant tripoter les seins de ses amantes et de Mike totalement muet. Et puis, il y a les manies institutionnelles : la réunion mensuelle déroulant une litanie de questions auxquelles les adultes ne répondent pas, n'ayant pour la plupart pas accès à la parole ; les sorties limitées par la nécessité de faire des économies ; les repas insipides composés avec seulement 2,50 euros par jour ; les stratégies des salariés pour accroître leur maigre salaire en prétextant des interventions de nuit ; la fiche d'auto-analyse destinée à aider à résoudre par soi-même les problèmes rencontrés. Une galerie de portraits et de situations vraiment décapantes.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1187 ■ 09/06/2016