Accompagner vers la parentalité les personnes en situation de handicap
MORIN Bertrand, Ed. Chronique Sociale, 2013, 136 p.
Il n’est pas facile de se réjouir sincèrement de l’arrivée future d’un enfant dans une cellule familiale composée de parents en situation de handicap. Le premier réflexe est de s’interroger sur les capacités de ce couple à assurer le bien-être d’un bébé, alors même qu’ils ne sont pas forcément en capacité de le faire pour eux-mêmes. La seconde question porte inévitablement sur l’intérêt de l’enfant et le départ dans la vie que peuvent lui offrir deux adultes eux-mêmes déficients. Si la sexualité et la vie affective des personnes en situation de handicap sont de plus en plus pris en compte dans les établissements et services les accueillant, il n’en va pas de même de leur parentalité qui reste largement du domaine du tabou. Bertrand Morin s’intéresse à ce sujet dans un livre qui refuse tout autant l’angélisme que le catastrophisme. Élever un enfant quand on est soi même en grande difficulté relève d’un défi qui n’est pas forcément ni gagné, ni perdu d’avance. Chaque situation étant singulière, il convient de dégager les points forts (compétences, potentiel et atouts), tout autant que les fragilités (incapacités, impuissances, freins). Faire face à l’éducation d’un enfant requière toute une série d’aptitudes dont il s’agit de vérifier la présence ou non. Elles sont d’abord physiques : possibilité de porter le bébé, de coordonner ses gestes afin d’apporter les soins nécessaires, de produire une motricité fine, d’établir un contact visuel continu. Elles sont ensuite d’ordre intellectuel : capacité à gérer son budget, à lire et à écrire, à se projeter dans le temps et à faire le tri entre l’indispensable, l’utile et le superflu. Elles sont encore psychologiques : posséder des qualités humaines pertinentes, savoir répondre aux besoins de l’enfant, le placer dans des conditions propices à son développement, établir une communication adaptée à lui. Rien ne prépare vraiment les parents valides à prendre en charge leur enfant. Certains prennent exemple sur leurs propres parents. D’autres ont acquis un début de savoir-faire, en s’occupant de leur fratrie. Mais pour l’essentiel, c’est sur le tas qu’ils apprennent. D’où la nécessaire disposition à l’apprentissage et à l’adaptation, à la prise d’initiative et à la créativité. Si l’on ne peut évidemment sacrifier un enfant au « droit à être parent » d’adultes porteurs de handicap, il n’est pas plus acceptable de nier, par principe, leur aptitude à être parents. S’imposent une évaluation fine et la plus ajustée possible de leur degré de compétence et la recherche d’une solution la plus satisfaisante, faisant intervenir une aide, voire une éventuelle suppléance, de la part tant de leur famille que des professionnels.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1124 ■ 31/10/2013