Suicide de l’adolescent
Marie-France LE HEUZEY, Masson, 2001, 120 p.
« Petit mais costaud » : avec ses 120 pages, cet opuscule donne au lecteur une vision synthétique et apporte l’essentiel de ce que l’on doit connaître sur cette question. Très bien présenté et très bien écrit, il passe en revue les nombreuses études épidémiologiques et statistiques réalisées et les multiples hypothèses élaborées, propose des vignettes cliniques et de petits résumés sous forme d’encadrés. Destiné, à l’origine, à un public médical, il est aussi accessible aux non spécialistes qui ne peuvent que s’enrichir à sa lecture. L’état des lieux présenté n’est pas fait pour rassurer. Avec 11.000 décès par an la France est dans le peloton de tête, pour le taux de suicide qui représente la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans (16%) derrière les accidents de la route (49%). Les tentatives elles, sont de l’ordre de 40.000, par an. Parmi les facteurs de risque, l’auteur rappelle qu’il y a la réitération (après une première tentative, 40% récidivent), un certain nombre d’événements déclenchant (menace de séparation, stress, rupture sentimentale, conflits avec les proches, difficultés scolaires ...) ou encore la dimension familiale (dimension génétique). Il y a aussi ces situations de maltraitance qui plongent dans une souffrance permanente, ces consommations d’alcool et autres substances toxiques qui ont un puissant effet désinhibiteur, ces conduites à risque qui font flirter avec la mort ou encore ces maladies chroniques qui poussent parfois à refuser un traitement pourtant vital. Mais, un des facteurs essentiels est quand même la pathologie psychiatrique. C’est d’abord la dépression qui peut envahir le jeune avec son cortège de sentiment de vide, d’ennui et de désintérêt à l’égard de tout ce qui le passionnait auparavant. Mais cela peut être aussi le produit de l’impulsivité : instabilité de l’humeur, fréquence des passages à l’acte sur soi ou sur les autres, mauvaise estime de soi. On doit compléter le tableau avec les souffrances anxieuses, les troubles du comportement alimentaire ou encore les psychoses schizophréniques. Il y a aussi des tentatives de suicide sans facteur de risque évident : ces adolescent(e)s à qui, tout semble sourire dans la vie. Parfois, la pression exercée pour les stimuler et les inciter à réussir peut parfois avoir un effet complètement destructeur : au moindre échec, le jeune est alors persuadé avoir démérité et ne veut pas imposer cette humiliation à ses proches. Comment réagir si on est confronté à cette situation ? La réponse doit tourner le dos à toute remontrance et à tout reproche. Elle doit être inconditionnellement bienveillante : « tu en avais marre, tu avais des problèmes, tu ne te sens pas à la hauteur ... on va essayer de t’aider, il y a certainement des moyens, tes soucis sont importants, mais on doit pouvoir y voir plus clair, tu vas pouvoir t’en sortir ». Ce conseil donné au médecin traitant peut avantageusement être repris à son compte par l’éducateur.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°607 ■ 31/01/2002