Peut-on vraiment choisir sa mort? Repères pour les citoyens et ceux qui les soignent

DEVALOIS Bernard, Editions Collection Oméga, 2009, 188 p

Médecin réanimateur et Directeur du service de soins palliatifs de l’hôpital de Puteaux, Bernard Devalois nous propose ici un ouvrage précieux, pour comprendre l’un des termes du débat sur l’euthanasie : celui de ses opposants. Homme de l’art, l’auteur reconnaît volontiers que la capacité accordée aux soignants de repousser l’issue fatale de la mort ne leur donne pas forcément le droit d’exercer cette faculté. Et de dénoncer l’acharnement thérapeutique, en la qualifiant de dérive scientiste qui en revient à « oublier le sujet derrière l’objet de soins » (p. 36). Mais il met tout autant en garde quant à l’équilibre fragile à trouver, au cas par cas, entre ce qui est possible et ce qui est réellement souhaitable. La frontière, argumente-t-il, est terriblement floue entre le soin qui permet de sauver une vie et l’entêtement qui prétend maintenir en vie, quoi qu’il en coûte. Et de rapporter toute une série de vignettes cliniques qui démontrent la complexité des choix et décisions à prendre, en la matière. Souhaiter la fin d’un être cher soumis aux affres de l’agonie n’est pas la même chose que de mettre délibérément un terme à sa vie. C’est cette limite éthique infranchissable qu’il se fixe, s’interdisant toute confusion entre le « laisser mourir » et le « faire mourir ». Bernard Levallois se fait le chantre de la loi de 2005, initiée par Jean Leonetti, qu’il détaille et explique d’une façon très pédagogique. Ce texte crée un droit et une obligation. Droit des malades à ne pas subir une obstination déraisonnable et obligation pour les soignants de ne pas la leur imposer. Le malade conscient peut dorénavant, après avoir reçu une information claire et complète sur sa situation médicale, refuser tout traitement thérapeutique mais aussi toute assistance extérieure (alimentation, hydratation, respirateur artificiels), même si cela doit compromettre sa survie. Quant au malade inconscient, possibilité est donnée à l’équipe médicale qui le suit de prendre une décision collégiale après avoir consulté sa famille, la personne de confiance qu’il aura éventuellement désignée ou les directives anticipées qu’il aurait laissées, avant de sombrer dans le coma. Convaincu que le débat sur l’euthanasie souffre d’une grande confusion, Bernard Levallois propose une classification des différentes possibilités de légiférer sur le droit de choisir sa mort, chacun devant pouvoir se positionner en connaissance de cause. Ainsi distingue-t-il entre le droit à une mort apaisée (les soins palliatifs), le droit au laisser mourir (qu’accorde la loi de 2005), le droit au raccourcissement de la phase agonique (euthanasie), le droit au suicide assisté (un médecin préparant la dose mortelle, comme cela se fait déjà en Suisse), enfin le droit à la dépénalisation de l’assistance au suicide.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°936 ■ 09/07/2009