Les descendants d’immigrés

SANTELLI Emmanuelle, Ed. La Découverte, 2016, 125 p.

Les descendants d’immigrés sont accusés de tous les maux : ils seraient responsables tout à la fois de la baisse du niveau scolaire, de l’insécurité, du terrorisme, de la délinquance et de l’intégrisme religieux. Enfermés dans la figure de l’assisté, du sauvageon ou de la racaille, leur capacité à s’intégrer serait invalidée du fait de l’incompatibilité de leur religion avec la démocratie. L’analyse de la réalité objective que nous propose Emmanuelle Santelli permet d’évacuer toute une série de fantasmes et d’idées reçues trop souvent ancrés dans l’imaginaire collectif. Les « descendants » d’immigrés (et non les « enfants », car la seconde génération a atteint la majorité depuis longtemps) subissent bien des discriminations. S’ils sont nettement plus nombreux à sortir de l’école sans diplômes, à origine sociale comparable, ils ont de meilleurs résultats que les natifs. S’ils sont surreprésentés parmi les chômeurs, ils le doivent en grande partie à la déqualification, à la précarité et à l’emploi partiel à horaire morcelé qu’ils subissent. Si le noyau dur culturel traditionnel persiste en leur sein, la résistance au conservatisme moral existe tout autant, les processus de soumission et d’émancipation étant en perpétuelle interaction. Si 93 % se sentent français et 94 % « chez eux » en France, le sentiment inverse existe aussi sous la pression d’une population ne les reconnaît pas comme tel. Ce n’est pas parce que certains d’entre eux cherchent des réponses dans l’engagement religieux qu’ils sont rejetés, mais c’est au contraire leur stigmatisation qui les incite à une quête d’autres références identitaires. La problématique de l’insertion des descendants d’immigrés ne relève donc pas tant de leur capacité à s’intégrer que du changement de regard collectif permettant de le faire.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1250 ■ 30/04/2019