Avec l’immigration. Mesurer, débattre, agir

HÉRAN François, Ed. La Découverte, 2017, 300 p.

Le débat autour de l’immigration est devenu une question centrale à travers le monde, empruntant des registres des plus violents. Renonçant aux invectives et aux diabolisations, François Héran fait entendre une voix de scientifique, avançant des arguments de démographe et non d’idéologue. La conviction qui traverse tout son livre est claire : il est aussi absurde d’être pour ou contre l’immigration que d’être pour ou contre le vieillissement de la population. Il est utopique de prétendre proscrire des mouvements de population qui recouvrant une réalité à la fois démographique, géographique, économique, socio-politique, juridique et civique… parce qu’ils sont inhérents à l’espèce humaine, depuis qu’elle existe. L’auteur déconstruit toute une série de mythes. Contrairement à ce que l’on prétend souvent, les statistiques ethniques existent depuis longtemps dans notre pays, même si elles sont toujours réalisées au cas par cas, sur un mode dérogatoire. Ce qui est interdit, c’est l’enregistrement d’opinions politiques et religieuses dans des fichiers. Ce sont justement ces statistiques qui ont permis d’établir l’ampleur des discriminations subies et vécues par les immigrés et leurs descendants. Elles ont aussi mesuré leur degré d’intégration. Si 82 % des musulmans se marient entre eux, ce pourcentage est proche des catholiques (78 %), des orthodoxes (83 %), des protestants ( 74 %), des juifs (65 %) et même des sans religion (71 %) ! Elles démontrent que 40 % des français ont un ancêtre étranger et sont donc issus d’une immigration qui n’a cessé depuis le XIXème siècle. Elles révèlent que s’il y a une surreprésentation des étrangers en prison, c’est en raison du délit de séjour irrégulier. Elles comptabilisent le nombre de musulmans en France : 4,1 millions dont 49 % seulement affirment attacher beaucoup d’importance à leur religion. Elles établissent un solde migratoire net annuel stable depuis 15 ans : 200.000 entrées (soit pour 66 millions d’habitants l’équivalent de deux spectateurs supplémentaires dans un stade de 10.000 personnes) contre 50.000 sorties du territoire. Elles démentent le rôle premier de l’immigration dans l’accroissement de la démographie française du fait d’une sur fécondation (les deux facteurs principaux étant le baby boom général et l’allongement de la vie). François Héran s’appuie sur l’histoire pour démontrer que le processus d’intégration s’est toujours réalisé, même s’il demande du temps, prenant de multiples formes, depuis l’insertion souple et progressive, jusqu’à la pure assimilation, en passant par la cohabitation de deux cultures.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1250 ■ 30/04/2019