Dehors
MOIX Yann, Ed. Grasset, 2018, 363 p.
Il faut lire Yann Moix. Roi de la métaphore, de la périphrase et de l’anaphore, l’auteur s’en prend à tous ceux qui persécutent ces réfugiés dormant sous la pluie et dans le froid, subissant les exactions des policiers qui les gazent, les matraquent et lacèrent leurs tentes. Il les égratigne, il les admoneste, il les étrille ces politiques qui ne savent opposer que cynisme et veulerie face à ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont survécu à l’horreur des naufrages, à l’épuisement des marches, au surpeuplement des camps, au sadisme des kidnappeurs, à l’avidité des passeurs, à l’insalubrité des squats, aux ascensions impensables, aux passages à tabac, aux exactions miliciennes, aux captivités crapuleuses, aux viols répétés, aux scène irracontables, aux errances, aux cris. Il se montre féroce, implacable et inflexible contre cet État qui n’est pas dans la démission, car se donne pour mission de les faire disparaître. Il s’insurge contre ces autorités qui trichent sur les squelettes, biaisent sur les ossatures, chipotent sur les carnations, ergotent sur les dentures, afin de contester des états de minorité et rejeter à la rue. Il fustige ces commissions qui trient, sélectionnent et distinguent entre celui qui a tout perdu et celui qui n’a plus rien à perdre, condamnant par avance cet autre qui a eu le toupet de ne pas mourir sous la torture, de ne pas brûler sous la morsure du soleil ou ne pas se noyer dans la froidure des flots. Il condamne cette Europe qui préfère être immunitaire qu’humanitaire. Mais, il fait aussi l’éloge de ces justes, simples gens qui n’ont presque rien et qui pourtant commettent l’inexpugnable délit et l’incalculable ignominie de leur venir en aide, estimant ne pas avoir plus le choix de les accueillir que les réfugiés n’en ont de fuir. La révolte de Yann Moix est légitime, saine et contagieuse.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1243 ■ 24/01/2019