La clinique de la mondialité

DERIVOIS Daniel, Ed. De Boeck, 2017, 206 p.

En tant qu’être humain, nous sommes tous fondamentalement frappés d’interculturalité, de pluralité et de diversité. Si les uns abordent le monde par le local et d’autres par le global, tous sont immergés dans le « glocal », contraints d’écouter les battements de l’intime dans le cœur universel de l’humanité. Si certains découvrent la société à travers le prisme de l’individu et d’autres à travers le groupe, les grilles d’interprétation sont en train de se métisser et de s’hybrider en articulant l’individualité et le collectif. Mais, plus l’altérité frappe à nos portes, plus se multiplient les serrures identitaires. Elles se sont déjà manifestées dans le passé à travers l’extermination, la décimation, le génocide, l’esclavage, de colonisation, la déportation de l’autre. Elles prennent la forme aujourd’hui de son essentialisation : ce sont des barbares, des sauvages, des étrangers qu’on voudrait inférieurs ou extérieurs à soi. Rejetant les effets délétères d’une mondialisation marchande qui efface l’humain et de désubjective, Daniel Derivois l’affirme avec force : il n’y a de clinique pertinente qui ne soit interculturelle, transculturelle et globale. Parce que le XXIème siècle sera celui des peuples en migration, la seule posture du thérapeute qui soit dynamique se préoccupe de penser un sujet à la fois singulier et citoyen du monde, en identifiant dans la moindre de ses expressions singulières ce qui relève de sa place dans la globalité. Le transfert et le contre transfert fonctionnent bien sûr au niveau micro (intersubjectif), mais aussi meso (institutionnel), tout autant que dans la dimension macro (nationale et internationale). La vie psychique s’affirme dans la continuité et non dans la rupture avec la transmission et l’héritage des générations antérieures et de l’environnement global. Daniel Derivois s’inscrit dans la continuité de l’ethno psychiatrie née d’un psychiatre de son pays d’origine (Louis Mars qui en a inventé le concept en 1953, en Haïti). Trois postures sont à proscrire, si l’on veut s’inscrire dans cette clinique de la mondialité. S’enfermer, d’abord, dans une pensée binaire opposant la bonne approche (la nôtre) à celle qui ne peut être qu’inappropriée (l’autre). La volonté, ensuite, de transformer autrui à notre image. La conviction, enfin, que nos valeurs seraient le seul fondement cohérent de la pensée. L’occident fut longtemps persuadé être le centre du monde. Il découvre que bien d’autres références peuvent constituer une complémentarité, un potentiel et un enrichissement bénéfiques mutuels, dans un registre allo-centré et non plus ethno-centré.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1243 ■ 24/01/2019