Douce France. Rafles, rétentions, expulsions
LE COUR GRANDMAISON Olivier, Le Seuil/RESF, 2009,295 p.
Ce livre est à lire de toute urgence, pour mieux comprendre ce que l’on est en train de faire en notre nom. Certes, les procédés de contrôle des étrangers, des migrants et des déviants ne sont pas récents. Ils ont été massivement utilisés à l’époque coloniale et appliqués à grande échelle en Europe, pendant la seconde guerre mondiale. Mais, les rafles et la rétention administrative sont passées depuis dix ans, d’une pratique exceptionnelle à une politique de masse. Conçus pour identifier et réprimer les groupes supposés menaçants, la population ciblée aujourd’hui, est celle des étrangers pensés non seulement comme cause de maux divers, nombreux et graves, mais aussi carrément comme une menace contre l’identité et la sécurité nationale. On ne compte pas moins de 25 centres sur tout le territoire et plus d’une centaine de locaux qui voient, chaque année, transiter plus de 40.000 personnes. Les techniques utilisées pour leur traque n’ont pas hésité (et continuent à le faire en partie) à utiliser les pièges les plus abjects : fausse convocation administrative, arrestation d’enfants dans les écoles, descente dans les foyers de demandeurs d’asile... Même si cette chasse aux sans papiers n’a rien d’illégale, ni de criminelle, la machine administrative est mise au service d’une politique de brutalisation de civils traités dans les formes et les figures de la barbarie civilisée. Les marges de manœuvre de plus en plus étroites des préfets face à l’autorité centrale, les contraint à une levée de toute inhibition morale, favorisant le déploiement de fonctionnaires carriéristes et peu sensibles à la finalité de leurs actes. L’Europe a poussé ses voisins à dupliquer sa xénophobie gouvernementale, en les incitant à criminaliser l’émigration de leur propre population. Conditionnant officieusement son aide au développement à cette politique répressive, elle leur a fait créer des « zones de protection spéciale » et édifier des camps de rétention pour y concentrer les réfugiés qui se présentent à ses portes. La France a élaboré une législation des étrangers dérogatoire, à la limite de l’État de droit. Alors qu’auparavant la stabilité et la continuité étaient considérées comme les conditions à une intégration réussie, c’est aujourd’hui le contraire : les mesures drastiques et vexatoires cherchant à démontrer la volonté d’assimilation du candidat sont devenues le préalable au regroupement familial. Même si seulement 0,4% des mariages mixtes ont été annulés pour cette raison, toute union franco étrangère est suspectée de complaisance. Les fantasmagories politiques de démagogues sans scrupules viennent de démontrer combien les régimes démocratiques peuvent receler d’infinies potentialités destructrices, persécutrices et discriminatoires.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°987 ■ 30/09/2010