Action sociale et immigration en France. Repères pour l’intervention

GUELAMINE Faïza, Dunod, 2008, 210 p.

L’immigration constitue, dans notre pays, un objet idéologiquement saturé. Les professionnels du social qui y sont confrontés ne peuvent faire l’économie des aspects historiques, économiques, sociologiques et culturels de cette problématique. Faïza Guélamine nous en propose une revue de détail, qui sans être exhaustive n’en est pas moins approfondie. La dimension historique tout d’abord : c’est à compter des années 1860, que la France commence à accueillir des migrants sur son territoire. Le flux sera plus ou moins important selon les époques. De fait, depuis 1945, l’immigration a assuré plus de 40% de l’augmentation de la population, 20% des personnes nées en France possédant au moins un parent ou un grand-parent ayant immigré au XXème siècle. La politique migratoire s’inversera et se durcira progressivement à partir de 1975. La dimension économique ensuite : la venue des populations étrangères n’est jamais un hasard. Elle répond toujours à des impératifs démographiques et/ou à des besoins de main d’oeuvre. Ce sont les bouleversements créés par la révolution industrielle qui ont rendu nécessaire l’afflux de salariés qui manquaient cruellement dans certains secteurs. Offre de travail d’un côté, sous-développement et pauvreté extrême de l’autre : rien d’étonnant, dès lors, que 200 millions de personnes, à travers le monde, résident en dehors de leur pays de naissance. La dimension sociologique encore : de toutes les catégories de la population, ce sont les personnes étrangères qui cumulent les problèmes les plus criants. Elles vivent dans des conditions socio-économiques particulièrement précaires : sous-qualification, surpeuplement et confinement dans le parc locatif le moins valorisé, discrimination dans l’accès à l’emploi (16,4% de chômage contre 8,6% dans  le reste de la population), mais aussi dans les promotions et évolutions de carrière, dénuement de ceux qui arrivent à la retraite. La dimension culturelle enfin : pour certains, l’intégration des populations de migrants passe par l’assimilation et la conversion identitaire. D’autres mettent en avant des revendications communautaristes, voulant reproduire dans le pays d’accueil leur culture d’origine. La réalité de l’immigration est avant tout marquée par la complexité et la singularité de chaque parcours et on ne saurait en avoir une lecture réductrice. Comment réussir à rejeter un ethnocentrisme qui aboutirait à considérer nos modes de vie et de pensée comme les seuls valables? Mais comment tout autant éviter de réifier les différences et d’enfermer les migrants dans un déterminisme les condamnant à ne pouvoir sortir de leur mode de vie initial? L’auteur propose une triple démarche: se décentrer par rapport à ses propres valeurs, comprendre les normes auxquelles se réfère l’autre et enfin servir d’interface et de médiation entre les deux cultures.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°902 ■ 23/10/2008