L'enfant maltraité
Michel MANCIAUX, Éditions Fleurus Psycho-Pédagogie, 1993, 696 p.
La mobilisation autour de l'enfance maltraité, est une chose relativement récente, La première, enquête sur le sujet date de 1975. En 1979, est fondée l'AFIREM (Association Française d'Information et de Recherche sur l'Enfance Maltraitée). En 1982, le congrès de l'International Society For Prévention of Child Abuse and Neglect se tient à Paris. La même année parait, sous la direction de Pierre Straus, la première édition de L'enfant maltraité.
Onze ans après, Pierre Straus ayant disparu, ce sont ses collaborateurs qui ont repris le flambeau et mené à bien la réédition -réactualisée et refondue- de ce volumineux ouvrage de prés de 700 pages. C'est une véritable encyclopédie à laquelle ont collaboré 17 auteurs venus de tous les horizons (pédiatrie, université, justice, service social, psychiatrie...) et qui, dans une judicieuse pluridisciplinarité, ont mis en commun leurs compétences respectives pour nous apporter une somme considérable de données, analyses et idées-forces dont le point commun est la recherche de la meilleure réponse a l'appel à l'aide des enfants privés d'enfance.
Ce tour d'horizon laisse peu de sujets dans l'ombre. Tout au long des 21 chapitres, chaque dimension du problème est traitée. Cela va de A comme Abus sexuel, jusqu'à V comme Violence institutionnelle. Cela passe par B comme Bilan-orientation, D comme Diagnostic, E comme Evaluation à terme, F comme Formation, G comme conseil Général (en charge de l'Aide Sociale à l'Enfance), H comme Histoire de l'enfant sous l'ancien régime, I comme Immigration-facteur de risque, J comme dispositif Judiciaire. P comme Professionnels concernés ou R. comme Réparations.
On remarquera tout particulièrement l'analyse très fine de la place de l'enfant dans une société contemporaine complètement bouleversée par les mutations sociologiques (crise du mariage, accroissement des divorces ou du concubinage, multiplication des familles monoparentales et recomposées), ainsi que la plongée dans l'interprétation psycho-pathologique de la maltraitance.
Mais le plus rafraîchissant, peut-être, c'est l'interpellation des professionnels eux-mêmes. La maltraitance, ce n'est pas seulement la souffrance physique imposée à l'enfant ni les négligences graves ni les carences de soins ou d'affection ni encore les sévices psychologiques et moraux.
La maltraitance, ce peut être aussi ce que Tomkiewicz appelle "la violence en creux" quand une pédagogie peu adaptée, une évaluation trop rapidement réalisée, ou parfois la confusion entre des convictions idéologiques et ce qu'on prétend être l'intérêt de l'enfant, font décider de mesures inadéquates qui provoquent des conséquences graves et néfastes pour le présent et l'avenir de l'enfant.
Jadis, la séparation familiale était de règle et le placement était souvent brutal et peu préparé. Aujourd'hui, des décisions de retour prématuré dans la famille maltraitante peuvent être prises sans que le passage d'un excès à l'autre soit plus profitable à l'enfant !
Bien sur, les professionnels savent le plus souvent s'entourer de toutes les précautions nécessaires et d'avis compétents... et pourtant, nous connaissons tous des situations où de sombres motivations financières, administratives ou idéologiques sont à l'origine de décisions n’ayant que peu de rapport avec les besoins de l’enfant.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°255 ■ 07/04/1994