Accompagner l’enfant maltraité et sa famille

Chantale PARRET, Jacqueline IGUENANE, Dunod, 2001, 224 p.

Dans les situations de maltraitance, la confrontation aux enfants et aux familles relève d’une grande complexité. La parole de l’enfant ne se limite pas à révéler les faits. Elle est là aussi pour essayer de comprendre, pour se décharger d’un fardeau, pour se plaindre ou encore pour tester la confiance dans l’adulte. Si le professionnel doit rester attentif à la subjectivité de l’enfant et à son rythme, il est aussi dans l’obligation de le protéger. Du côté des familles, il doit identifier les modes relationnels habituellement utilisés et accepter d’être interpellé sur ces registres. Mais la proximité qui s’instaure alors peut contribuer à le rendre aveugle aux signes envoyés par l’enfant. Et puis il y a ce risque toujours présent de télescopage entre le vécu de celui qui parle et le vécu de celui qui écoute, même si ces vécus ne sont pas de même nature. Il faut accepter de s’immerger dans l’histoire de l’autre, se laisser toucher émotionnellement tout en gardant la bonne distance (ni trop près, ni trop loin). Rechercher la bonne attitude nécessite de rejeter « les préjugés rassurants, les théories bien faites, le prêt à porter des conduites à tenir » (p.31). Cet accompagnement (terme que l’on préférera à « suivi » ou « prise en charge ») donne lieu à une multitude de pratiques. Elles sont à la fois transversales (pour répondre aux dynamiques individuelle, familiale, sociale, médicale et judiciaire) et longitudinales (pour intégrer la dimension à la fois individuelle et familiale du sujet). Répondre de façon cohérente à cette réalité complexe et multi factorielle, relève d’un véritable travail d’équipe intra et interdisciplinaire. Mais, les rivalités entre services, l’isolement des professionnels, l’exacerbation de certains sentiments (passion, désir de réparation, culpabilité) nuisent à la mise en œuvre d’un véritable projet d’accompagnement. Deux nécessités, dès lors, se font jour. La première consiste à proposer à tous les professionnels concernés une « enveloppe » partenariale, un « référent-enveloppe » permettant à chacun d’interroger sa pratique, sa logique institutionnelle et son vécu. Cette approche « évite le morcellement du sujet, rend plus aisé l’accrochage thérapeutique et crée un contenant rassurant tant pour les intéressés que pour les professionnels » (p.81). Être écouté, entendu, compris et mandaté par ses pairs, permet dans la relation à l’enfant et à sa famille d’être porteur de toute une démarche collective. Autre clé incontournable : la formation qui doit être multiprofessionnelle. Il ne s’agit pas d’aller vers une uniformisation des pratiques, mais plutôt de délimiter chaque champ d’intervention, de différencier les compétences et de construire un cadre de référence commun C’est la dynamique d’équipe qui permet d’organiser la complémentarité et la coordination des interventions de chacun. C’est en créant une distance d’avec leur pratique qu’on permet aux professionnels de la penser.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°599 ■ 29/11/2001