L’enfant maltraité ou l’enfant oublié

Dominique BRUNET, L’Harmattan, 2005, 315 p.

Dominique Brunet reçoit, en tant que psychologue, beaucoup d’enfants victimes de la séparation conflictuelle de leurs parents. Quand ont sait l’instrumentalisation qui est faite de l’argument de la maltraitance et de l’agression sexuelle dans le contentieux familial, on ne peut qu’être pris de méfiance face aux vignettes cliniques exposées ici qui mettent en scène des pères ou des mères chez qui l’enfant ne veut plus se rendre. Pourtant, l’argumentaire porte ses fruits. Les enfants ne savent pas toujours mettre en mots leur souffrance explique l’auteur, parce qu’ils n’ont pas le vocabulaire nécessaire, qu’ils ont peur des représailles ou ne croient pas qu’on puisse vraiment les écouter. Il arrive aussi que leur parole soit manipulée par un parent malveillant. Mais ce qu’ils ne peuvent dire, ils peuvent le montrer. Bien sûr, il faut être prudent : qu’un enfant soit battu, qu’ils subissent des sévices sexuels, qu’il soit élevé par des parents instables ou indifférents, ou encore qu’il ait à choisir entre deux parents qu’il aime autant, on peut constater les mêmes manifestations symptomatiques de stress avec des troubles du sommeil, une énurésie nocturne, de l’eczéma, une certaine atonie ou au contraire de l’agitation, un manque de concentration provoquant un échec scolaire. Mais au moins, l’attention est attirée sur leurs difficultés. L’auteur propose une grille d’observation qui définit quatre groupes de symptômes. C’est tout d’abord les manifestations physiques : l’aspect malingre ou souffreteux, les douleurs abdominales, les nausées, vomissements, convulsions, les déséquilibres des fonctions physiologiques (troubles du sommeil, de l’appétit …). C’est ensuite les perturbations de la vie psychoaffective : tristesse, conduites d’évitement, agressivité et colère, absence de confiance en soi, instabilité, hyperactivité. Troisième groupe : les troubles de l’apprentissage. Pour progresser, un enfant a besoin de se sentir en sécurité. Pour que son cerveau réceptionne et mémorise sereinement les informations qu’il reçoit, il ne faut pas que l’angoisse, l’appréhension, la peur le submergent, provoquant le blocage de ses capacités mentales et intellectuelles. Enfin, quatrième domaine permettant d’identifier l’éventuelle situation de maltraitance : les productions verbales et non verbales.  Quand l’esprit de l’enfant n’est pas anéanti et qu’il peut se prêter au jeu, plonger avec lui dans son imaginaire permet de l’éloigner tant de la réalité directement traumatisante que des consignes parentales et de lui permettre d’exprimer ses impressions, ses émotions et de révéler ce qu’il vit. Jouets, modelage, dessins deviennent alors un miroir personnel où il rejoue librement et spontanément ses souffrances. Il est possible d’identifier l’origine du mal-être d’un enfant, affirme avec force l’auteur : encore, faut-il s’en donner les moyens.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°769 ■ 13/10/2005