Conflit. Comprendre et pouvoir agir
Robert MICHIT, Thierry COMON, Chroniques Sociales, 2005, 173 p.
Pour la sociologie, le conflit est inhérent à l’organisation sociale. Pour la psychologie, il est lié aux pulsions agressives qui sont au cœur de tout être humain. Les psychosociologues y voient une interaction entre les variables de l’individu et celles du système social. Les conventionnalistes invoquent des logiques différentes de communication. La morale, quant à elle, va chercher des motivations individuelles malveillantes. Les auteurs nourrissent l’ambition de proposer un modèle commun d’analyse du développement des conflits. D’une lecture pas toujours aisée, sauf à entrer dans la méthodologie proposée, la modélisation exposée ici n’en est pas moins fort intéressante. De quoi s’agit-il ? « Les sujets humains ne peuvent se représenter l’action d’une autre personne, sans en attribuer une intention relevant d’une stratégie délibérée et plus ou moins masquée » (p.103). S’opposant à l’idée qui voudrait que les objectifs de relations humaines soient imprévisibles, les auteurs affirment qu’ils peuvent se résumer à quatre dimensions fondamentales qui vont déterminer quatre classes de conflits correspondantes. Il y a d’abord la recherche de production de biens qui induit une intention de faire avec l’autre. Il peut émerger un conflit d’avoir, si la relation établie vient nuire à l’efficacité de la tâche commune engagée ou donne le sentiment que ce que l’on possède est menacé. Il y a ensuite la recherche de pouvoir qui provoque une recherche de l’intérêt maximum. Il peut se produire un conflit de pouvoir, quand l’un cherche à dominer l’autre et à le soumettre. Il y a encore cette recherche de convivialité, d’amitié et de paix sociale qui amène une attitude de partage. Un conflit de défense d’identité peut se déclencher si l’on se sent atteint dans sa personnalité. Enfin, intervient la quête de protection et de justice qui peut dégénérer en conflit de libération, si l’on se sent opprimé et que l’on cherche à rompre avec cette soumission. Tout individu peut activer l’un de ces quatre états. Il peut passer de l’un à l’autre, mais ne se trouve que dans un à la fois. Le conflit naîtrait, toujours selon les auteurs, d’un positionnement de chacun des protagonistes dans deux univers aux logiques divergentes et hétérogènes. Les méthodes traditionnelles de négociation, de médiation, de conseil et de diplomatie ne prennent en compte que les conflits de recherche d’intérêt. Même s’il est impossible de connaître avec exactitude le registre dans lequel chacun se situe à un moment donné, les techniques de résolution de conflit doivent tenir compte du territoire de communication où se trouvent l’un et l’autre. Restent ensuite des précautions plus classiques : mettre à distance pour permettre aux émotions de se calmer, utiliser la médiation d’un tiers, travailler à ce que chacun reconnaisse sa part de responsabilité…
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°771 ■ 27/10/2005