J’entends pleurer la nuit

Brigitte PESKINE, Casterman, 2006, 111 p.

Tout commence par un déménagement. La famille de William intègre un nouvel appartement. A peine arrivée, elle constate qu’on entend tout de la vie des voisins. L’immeuble est à ce point sonore que l’on suit pas à pas ce qui se passe à l’étage du dessus : le garçon de 13 ans qui rentre du judo, le professeur de piano qui fait répéter ses gammes à la petite fille, le ménage effectuée par la maman… Très vite, cela devient un véritable enfer : du bruit jour et nuit, de la vaisselle cassée, des meubles déplacés. Mais ce qui aurait pu n’être qu’un simple trouble de voisinage, devient plus inquiétant. Une maman qui menace de se jeter par la fenêtre devant des enfants qui la supplient de ne rien en faire, une petite fille qui pleure de façon incessante toute la nuit, des cris … William et ses parents n’osent pas en parler, comme si en se taisant, ils espéraient se débarrasser de cette situation. La tension monte. Faut-il porter plainte pour nuisance sonore ? La démarche serait longue et incertaine. Déménager à nouveau ? Ce serait fuir lâchement. C’est ce qu’ont fait les locataires précédents. Signaler cette famille en difficulté ? Les preuves seraient bien minces. William a reçu une information en classe, l’intervenante pointant les élèves d’un doigt accusateur, en leur affirmant qu’ils étaient responsables de ne rien faire s’ils étaient confrontés à une maltraitance. Un soir, il prend son courage à deux mains et compose le 119, numéro téléphonique de SOS enfants maltraités. Le dialogue qu’il engage alors avec le répondant le rassure et l’inquiète à la fois. Oui quelqu’un va venir enquêter. Mais, la famille voisine ne va-t-elle pas être informée de l’origine du signalement ? Lorsque l’assistante sociale de la mairie frappe à leur porte, William et ses parents restent évasifs. Pourtant, cette intervention permettra d’identifier les difficultés mentales de cette maman souffrant de psychose maniaco-dépressive et ses passages à l’acte, quand elle suspend imprudemment son traitement médical. Pour éviter un placement des enfants, une solidarité de voisinage assurera leur accueil, pendant l’hospitalisation de la mère. Ce roman à destination d’un public adolescent réunit tous les ingrédients du genre : suspense, mise en difficulté du héros, émotion et happy end. Même si tous les appels passés à SOS enfants maltraités ne débouchent pas sur des solutions aussi idéales, on trouve ici un récit positif présentant avec justesse et mesure la problématique de la confrontation à la maltraitance. On y voit successivement les appréhensions et les hésitations des témoins avant qu’ils ne se mobilisent et une maltraitance qui pour être au premier abord incompréhensible, prend ensuite du sens. De quoi en quelque sorte replacer cette question dans toute sa complexité.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°796 ■ 11/05/2006