Autres regards sur la maltraitance
Afirem 49 (35 rue St Exupery 49100 Angers), 2001, 368 p
Dans le numéro 532 de Lien Social nous présentions le colloque organisé en mars 2000 par l’AFIREM du Maine et Loire et regrettions de ne pas être doté du don d’ubiquité qui nous aurait permis d’assister à tous les ateliers. Les actes qui viennent d’être publiés en décembre dernier comble notre frustration, puisqu’outre les interventions plénières, on peut y lire les propos introductifs des 17 carrefours qui ont été proposés. On retrouvera avec plaisir les propos de Boris Cyrulnik portant sur un sujet qui lui tient à coeur (la résilience) ou ceux de Michel Lemay qui explique comment nous oscillons selon les époques ou les phases de notre histoire individuelle entre une vision idyllique et une vision cataclysmique de l’enfant. Au fil des pages, on retrouvera ces réflexions riches qui font le charme de la pépinière d’intelligences que constituent la plupart des colloques. Aider les parents revient à soutenir leur capacité à supporter que l’enfant ne vienne pas exactement à la place où ils l’attendaient, affirme Daniel Coum. C’est aussi les aider à comprendre comment ils tendent à soulager leur difficulté à être adulte sur le dos de l’enfant par la surprotection, le délaissement, la séduction ou l’étayage. Quand l’aide apportée n’est pas suffisante pour éviter les maltraitances, le professionnel est tenté, en faisant tout ce qu’il peut faire pour l’enfant, explique Yves de La Monneraye, de se mettre à la place du bon parent. Cette situation convoque au plus profond de lui une charge émotionnelle et une violence qu’il croyait enfouie et qui refait surface de façon très intense. D’où, peut-être, cette piste de formation pour les intervenants de la protection de l’enfance, parmi celles évoquées par Christine Bouin, et qui porterait sur les limites entre la compréhension cognitive et le vécu affectif ou émotionnel. Martine Le Strat insiste, quant à elle sur I’intimité de l’enfant et le respect de sa pudeur. Ce sentiment constitue, pour une part, l’enveloppe psychique qui sépare, pour tout individu, le monde extérieur et le monde intérieur. Cette limite participe au sentiment d’unité cohérente du sujet, elle préserve les sentiments de dignité, d’honorabilité et d’estime de soi. D’où l’attention que devraient porter à cette intimité les projets d’établissement. On lira avec intérêt les témoignages apportés par des praticiens concernant des pratiques innovantes : Marie-Hélène Bonneau à propos des administrateurs ad’hoc nommés par la justice pour représenter l’enfant quand leurs parents maltraitants ne peuvent plus le faire. Mais aussi, Odile Lafaurie qui décrit l’espace de parole proposé à l’enfant victime dans le cadre de l’accompagnement individualisé qui lui est proposé depuis 1992 en Gironde (action systématisée depuis la loi de 1998). A lire, les réflexions tout à fait pertinentes concernant les effets pervers de certaines campagnes de prévention... et bien d’autres choses encore.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°578 ■ 31/05/2001