Violences en institutions - CREAI

1 - Repères  

Centre Thomas More/ CREAI Rhone-Alpes, coordination Eliane Corbet, 1995, 89 p.

Voilà un opuscule que toute bibliothèque d’établissement à caractère social et notamment les internats devrait posséder. Ils méritent d’être usés par la lecture et la relecture des travailleurs sociaux. Car, ce n’est pas là un pavé indigeste ou bavard mais la retranscription de réflexions pertinentes et d’outils pratiques utilisables dès la dernière page refermée.

Le CREAI Rhône-Alpes proposait en 1991 et 1992, une journée d’étude consacrée aux violences institutionnelles.

On peut les commander en écrivant à Médiasocial, 46 rue Président Herriot 69002 LYON.

 

Il est bien plus facile à nous autres professionnels de dénoncer les violences familiales que d’aborder celles dont nos collègues ou nous-mêmes nous rendons responsables consciemment ou non. Cette violence ne se limite pas à la simple ‘’claque pédagogique ’’. Elle peut tout autant prendre la forme du langage disqualifiant à l’égard de l’usager, de son contrôle minutieux au point d’en être humiliant, de l’arbitraire et de l’excès des interdits dans la relation que nous avons avec lui, de la souffrance psychologique que nous lui infligeons, de l’entrave que nous mettons à ses rapports avec sa famille, des intérêts de l’institution que nous faisons passer avant les siens, etc ...

Si nous cherchons toutefois à donner une définition précise, nous nous heurterons inévitablement au facteur temps et espace qui conditionnent grandement son application. Ainsi une claque tolérée en France à condition qu’elle ne donne pas dans l’excès, ne le sera pas en Suède. Au sein-même du corps professionnel, il est difficile de se mettre d’accord. A preuve ce questionnaire rempli par 47 travailleurs sociaux de terrain concernant la caractérisation de certains comportements. « Lui crier après », ainsi est considéré comme violent par 16 personnes, 24 pensant le contraire. « Le tirer par la main contre son gré »: est violent pour 13, ne l’est pas pour 21. « Le remuer physiquement, le secouer » l’est pour 15, ne l’est pas pour 15.  « Le servir d’un plat qu’il n’aime pas »: violent pour 10, pas violent pour 8.

Parmi les facteurs qui peuvent favoriser la violence institutionnelle, on trouve d’abord les symptômes de l’usager: compulsion de répétition d’enfants victimes de maltraitance,  hétéro-agressivité de certains psychotiques ... peuvent provoquer réactions et répliques des adultes confrontés à de tels comportements.

Les risques se situent aussi au niveau d’un personnel épuisé et découragé. « Les éducateurs interrogés ne sont pas méchants, imbéciles ou sadiques. Ils sont déroutés, fatigués, souvent impuissants devant les situations éducatives qui ne leur laissent

d’autres stratégies de réponse que la violence » (p.74)

Ils sont renforcés aussi par l’aspect intégriste et totalitaire de certaines institutions. Ce que le deuxième ouvrage a essayé de préciser.

Voilà un opuscule que toute bibliothèque d’établissement à caractère social et notamment les internats devrait posséder. Ils méritent d’être usés par la lecture et la relecture des travailleurs sociaux. Car, ce n’est pas là un pavé indigeste ou bavard mais la retranscription de réflexions pertinentes et d’outils pratiques utilisables dès la dernière page refermée.

 

 

2 - Outils de prévention

CREAI Rhône-Alpes, coordination Eliane CORBET, 1995, 121 p.

 

Le CREAI Rhône-Alpes proposait en 1991 et 1992, une journée d’étude consacrée aux violences institutionnelles.

On peut les commander en écrivant à Médiasocial, 46 rue Président Herriot 69002 LYON.

 

Peut-on dresser le portrait-type d’une institution à risques ?

Elle est tout d’abord constituée d’un personnel peu ou pas qualifié, insécurisé dans son emploi (fort taux de rotation) et vivant des relations conflictuelles. Le recours à la violence se fera alors autant par peur que par désintérêt et sentiment d’inutilité. Le directeur, lui, est tout-puissant, plus paranoïaque que sadique, ayant peu de contacts tant avec ses employés que les usagers et leur famille. Le projet institutionnel est flou, voire  inexistant. L’établissement reste refermé sur lui-même, assurant même parfois une prise en charge totale sur le même site (scolarité ou formation, hébergement, soins, loisirs, ...). La structure oppose une force d’inertie et une résistance au changement et à toute tentative d’évolution. Les droits des usagers ne sont pas pris en compte: dominent alors des conduites arbitraires de la part du personnel et une opacité caractéristique du règlement. L’action éducative enfin, est marquée par l’uniformisation du traitement des usagers, un discours dévalorisant à leur égard, majorant leurs troubles et dramatisant leur cas. Le travail dans ces conditions est conçu comme une répétition routinière sans initiative innovante ni créatrice.

Ce descriptif, c’est un peu la ‘’totale’’. Toutes ces conditions ne sont pas bien entendu nécessaires. Ce sont là beaucoup plus des clignotants d’alerte qui doivent mettre la vigilance en alerte.

Quels sont alors les dispositifs  qui  peuvent jouer comme autant de facteurs de prévention ?

C’est tout d’abord l’importance des contre-pouvoirs qu’ils se présentent sous la forme d’association de parents, de syndicats de personnel ou encore d’instances de consultation encadrants/usagers.  C’est ensuite le respect du principe de transparence: existence d’une loi institutionnelle avec des droits clairement énoncés, ainsi qu’une identification des sanctions en cas de transgression. C’est encore l’ouverture vers l’extérieur sous forme d’échanges et de participation avec les institutions scolaires, sportives, culturelles de l’environnement proche. C’est aussi la qualité des relations entre adultes avec notamment une libre circulation de la parole et une régulation des conflits. Enfin et surtout, c’est une modestie quant à l’appréhension des situations: le plus simple des cas sociaux est plus compliqué que tous les traités de psychologie réunis. Ce qui doit nous amener à admettre notre impuissance parfois à résoudre les problèmes de certains usagers qui nous sont confiés.

A la lecture de ces deux ouvrages, on peut s’interroger sur l’ampleur du phénomène de maltraitance dans les institutions. Outre le questionnaire déjà évoqué précédemment et qui concernait plus les professionnels individuellement, on lira  avec intérêt l’enquête réalisée auprès de 62 établissements concernant la mise en conformité du règlement intérieur et du fonctionnement institutionnel avec la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°320 ■ 21/09/1995