Au nom des enfants, violence, pédophilie, maltraitances… 40 ans de lutte

Simone Chalon, Le pré au Clercs, 1999, 252 p.

Le livre de Simone Chalon ne fait pas dans la dentelle. Elle se fait vraiment l’écho du fin fond de l’horreur. La plongée terrifiante qu’elle nous propose soulève le cœur et provoque la révolte : le sort des enfants qu’elle présente est à peine imaginable tant il confine à l’insupportable. Maltraitance, persécution, torture, brutalité, négligence, mépris de la part tant des parents que des adultes sensés les protéger. C’est à partir de sa place de présidente de la Fédération des comités Alexis Danan que l’auteur peut établir cet état des lieux.

Mais c’est justement là que le bas blesse. Certes, un ouvrage de témoignage tel que celui-là n’est pas là pour parler des trains qui arrivent à l’heure. Il regroupe des situations des plus problématiques. Mais, emportée par sa fougue Simone Chalon perd toute mesure. En refermant son livre, on est persuadé que notre pays n’est rempli que de familles perverses et de professionnels incompétents : « j’ai connu des mères qui avaient répondu aux confidences de leur fille par des coups et des insultes. Des assistantes sociales qui trahissaient la confiance d’adolescentes violentées en allant tout répéter aux parents mis en cause. Des magistrats et des psychologues capables de traiter un gamin en pleurs de petit mythomane vicieux… » (p.46) Ces individus existent, et ils méritent qu’on les dénoncent. Mais il en existe aussi qui réagissent admirablement et se mobilisent d’une façon remarquable. Ils sont plus nombreux que ne le pense Madame Chalon. Certes, les dizaines de dossiers qui atterrissent aux Comités Alexis Danan ont de grande chance de ne pas avoir été traités comme ils l’auraient du. C’est encore quelques dizaines de trop. Mais, il ne faut pas oublier les dizaines de milliers qui sont pris en charge d’une manière tout à fait respectueuse de l’intérêt de l’enfant et dont Alexis Danan n’entend jamais parler … Madame Chalon étale complaisamment son abnégation. Il eût été pertinent qu’elle consacre aussi un peu de place au dévouement et à l’altruisme des milliers de travailleurs sociaux qui agissent tous les jours dans l’ombre. Après avoir tapé sur un peu tout le monde (église, justice, services sociaux, école, centres aérés …) en dénonçant l’immobilisme et la passivité (quand ce n’est pas la complicité) dont elle serait manifestement l’une des seules à en être exempte, Madame Chalon aurait pu répondre en écho à celles et ceux qui accusent les œuvres d’adoption de ne pas communiquer tous les renseignements contenus dans les dossiers qui leur permettraient de retrouver leurs origines. Mais non, là elle se défend contre l’amalgame avec lequel elle a pourtant largement flirté dans le reste de l’ouvrage. Ce n’est pas un hasard de la part de Madame Chalon, Directrice de Famille adoptive française qui se trouve finalement là à la place de l’arroseur arrosée.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°486-487 ■ 20/05/1999