L’adolescence, les années métamorphoses

Victor COURTECUISSE, Stock, 1992, 300 p.

Révolté par le déni des besoins de l’adolescent par un hôpital qui l’accueille en structure d’adultes à partir de 15 ans, le professeur Victor Courtecuisse réussit à ouvrir en 1982 au Kremlin-Bicêtre la première unité de soins spécialisée dans cette classe d’âge.

Pédiatre et praticien de terrain, l’auteur nous propose un regard plein d’humanité sur l’adolescence: on ne peut soigner ces jeunes -affirme-t-il- si on n’a pas le désir sincère de les côtoyer et de les comprendre. Tenter de définir cette classe d’âge ne doit pas signifier l’étiqueter: chaque individu est et reste unique. Un certain nombre d’idées reçues méritent notamment qu’on en fasse justice. Non, les ados ne baignent pas dans une sexualité débridée. Non, la grossesse adolescente n’est pas dans tous les cas un accident. L’IVG doit dans cette situation toujours impliquer authentiquement la jeune. Non, on ne doit pas stigmatiser les ados en en faisant la cible privilégiée des campagnes de prévention (qui doivent aussi concerner les adultes).

Moment de toutes les métamorphoses, mais aussi des champs d’exploration, d’expérimentation, de prise de risque, voire de déviance, l’individu normal n’est pas forcément celui qui connaît un développement paisible et sans heurts. Le potentiel extraordinaire des forces qui bouillonnent chez chaque jeune peut passer par des phases imprévisibles de mise en sommeil ou de réveil. Les ancrages de l’enfance une fois rompus, le jeune est inévitablement confronté à de nouvelles émotions, de nouveaux pouvoirs et aussi une vulnérabilité nouvelle. Plus que jamais, le besoin de communication se fait sentir. Et pourtant l’écouter est une chose, l’entendre en est une deuxième, lui répondre une troisième ! Les soucis et les émotions qui altèrent la sérénité quotidienne ne facilitent ni la régulation des tensions internes de la famille, ni la négociation des crises. Qu’il y ait rupture franche de communication ou pseudo-communication (tout semble baigner sauf qu’on ne se parle pas), et c’est parfois le passage à l’acte. Tentatives de suicide (1000 jeunes meurent ainsi chaque année) qu’il faut toujours prendre au sérieux, fugues auxquelles on doit toujours répondre (et autrement que par la répression). Mais il n’est guère facile d’identifier le malaise, de repérer l’anxiété et d’interpréter cette agressivité qui semble si courante et banale. La souffrance des ados peut aussi aboutir en une anorexie mentale dont la forme la plus grave s’identifie à un suicide lent. N’oublions pas les violences incestueuses dont ils peuvent être victimes et qui représentent une part non-négligeable des taux d’hospitalisation.

Plus que tout autre, l’adolescent a besoin d’être soutenu dans son identité encore fragile et reconnu en tant que personne. Pourtant, le constat perdure: au moins au niveau de la santé, les ados constituent une catégorie oubliée.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°325 ■ 26/10/1995