Ado à fleur de peau. Ce que révèle son apparence

Xavier POMMEREAU, éditions Albin Michel, 2006, 265 p.

Voilà un ouvrage qui donnera le sentiment à beaucoup de lecteurs d’avoir déjà vu quelque part ce qu’il lit. Que son enfant pubère vienne à entrer dans la pièce où il est allé chercher un peu de tranquillité, pour lire cet ouvrage et il comprendra enfin son sentiment de familiarité. Xavier Pommereau plonge ses descriptions dans un vécu qui est partagé par un certain nombre de parents et d’éducateurs. Ce qui en fait tout l’intérêt. Chacun le sait, l’adolescence est synonyme de remaniements tant physiques que psychiques. Le jeune cherche à se construire une image qui lui permette d’être reconnu comme sujet à part entière. Il le fait en projetant hors de lui ses angoisses, en marquant sa différence et en suscitant des zones d’affrontement. En face de lui ses parents sont eux-mêmes parfois en pleine remise en cause: « en miroir de l’ado qui ’’fait sa crise’’, c’est à dire qui se cherche et tente d’affirmer son identité, les parents sont renvoyés à leur propre crise, celle du milieu de vie." »(p.16) L’adolescent commence par faire corps avec sa chambre, recouvrant les murs qu’on peut considérer comme une seconde peau, de posters plus ou moins provocants. Le désordre qui y règne est proportionnel au tumulte qui l’agite. Mais, moins on respectera son territoire, plus il se radicalisera, en se hérissant de piques et de barbelés. Comme au travers de ces piercings et tatouages qu’on a vu se multiplier depuis une dizaine d’année et qui sont autant de tentatives de se réapproprier ce corps qui à force de tant de bouleversements semble tant leur échapper. C’est que son apparence sert elle aussi de seconde peau protectrice et d’écran sur lesquels il projette tant ce qu’il veut donner à voir que ce qu’il veut cacher. Les tenues adoptées sont révélatrices des craintes non avouées et des aspirations affirmées. Les garçons affectionnent les vêtements amples qui leur confèrent plus de volume. Les filles cherchent surtout à mettre en évidence leur nouvelle féminité. Peu d’adultes sont admis sur la planète ados. Ils ne doivent pas chercher à y débarquer, devant assumer leur âge, rester à leur place et ne pas céder à la confusion des générations. Ce n’est pas une raison pour confondre affirmation de soi de jeunes en recherche d’identité et impasse identitaire d’écorchés vifs. Pour autant, si les ados ne veulent plus rester collés aux adultes, ils ne veulent pas pour autant que ceux-ci disparaissent. Le cocon protecteur dont on a entouré l’enfant a souvent préparé le comportement qu’il aura un peu plus grand. Il faut lui permettre, dès le plus jeune âge d’expérimenter le monde, de faire des choix, de se sentir moins étroitement surveillé. Ayant grandi, il doit sentir l’intérêt que nous lui portons, mais aussi l’acceptation des distances que nous respectons : « le comprendre, ce n’est pas le cerner, c’est pouvoir  imaginer quelques uns de ses manques et des ses désirs » (p.26) Les ados ont besoin d’être reconnus à une vraie place et de jouer un rôle qui ne se limite pas à celui de figurant.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°814 ■ 26/10/2006