L’adolescence aujourd’hui

Sous la direction d’Alain BRACONNIER, érès, 2005, 120 p

L’ « adulescens » désignait à l’époque de la Rome antique les citoyens âgés de 17 à 30 ans. Ce même terme identifiait au XVIIème siècle un « vieux beau » et au XVIIIème un « novice un peu niais, un morveux ». Chaque époque a donné un sens à cette notion, en fonction de ce dont elle avait besoin. Reste que l’évènement pubertaire constitue dans l’évolution humaine une authentique effraction qui perturbe gravement l’équilibre narcissique, mettant en danger la cohésion interne et le sentiment de continuité. C’est à cette période complexe qu’est consacré ce petit opuscule, réédition d’un dossier de la revue Carnet psy édité en 1998. L’adolescence est cet âge où se modifie la distance aux adultes en général et aux parents en particulier : l’être devient apte à agir sa vie pulsionnelle, en particulier dans la sexualité et l’agressivité. Il découvre que sa mère est une femme et qu’il va devoir s’en éloigner. Il se rend compte que son père est un homme qu’il devra le distinguer des images idéalisées qu’il s’en était fait pendant son enfance. Le voilà donc pris dans une relation ambivalente et dialectique basée sur le besoin à la fois de s’appuyer sur les autres et à la fois de s’en différencier, en affirmant son autonomie. Ce qui lui est nécessaire est aussi ce qui le menace. Plus le jeune attend quelque chose de l’adulte, plus il ressent un risque d’envahissement de sa part. Quelqu’un qui est trop en attente ne sait plus où est son propre désir et celui de l’autre. L’opposition devient alors le seul moyen d’affirmer son identité et la situation d’échec lui permet d’assumer sa différence. Pour autant, l’adolescence est vécue par chacun de façon singulière. Si on y arrive pourvu d’une sécurité intérieure, d’une estime de soi suffisante, après avoir été nourri de la qualité des liens avec son environnement, on réussira à gérer avec souplesse la nécessaire prise de distance entre la pulsion et l’objet. Mais plus on y accède avec un passif important, des traumatismes et des dépendances exagérées à l’environnement, plus il sera difficile de résister à la satisfaction immédiate de ses désirs. Car, c’est bien la rencontre avec le vide, tout comme l’impossibilité de se voir dans un regard parental trop voilé par la souffrance ou le désintérêt qui induit cette quête désespérée de subjectivation et d’insertion. Il revient donc aux adultes la responsabilité d’avoir à accomplir ce que ne peut réaliser l’appareil psychique de l’adolescent encore trop immature : assurer la contenance, le rôle de tampon et de relativisation, cette triangulation qui permet de distancier le jeune d’avec ses pulsions. Ce rôle n’est pas toujours facile à tenir, surtout quand la crise d’adolescence coïncide avec la crise de milieu de vie des parents. Les risques de résonance entre les deux problématiques se traduisent notamment quand les adultes déversent sur le jeune leurs conflits larvés, leurs problèmes professionnels et leurs émotions. Dur, dur d’être ados et encore plus, parfois, d’être parents d’ados !

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°774 ■ 17/11/2005