Le non-droit des jeunes
Sous la direction de Paul MASOTTA, Syros, 1995, 178 p.
Le « non-droit » des jeunes pourrait faire penser à ces quartiers où la police ne pénètre pas et qui sont livrés à la loi des mafieux et autres trafiquants.
Pourtant, cette logique est plus profonde: elle s’inscrit dans ce réflexe archaïque qui fait intervenir le rapport de force dans notre quotidien. C’est dans la rue la loi du plus fort, du plus malin ou du mieux organisé. C’est à l’école, la loi du plus verbal, du plus adapté ou du plus conforme. C’est à la maison, la loi des adultes, des plus grands ou du préféré. C’est que, garantir des relations sociales qui ne soient pas dominées par l’arbitraire n’est pas un donné, c’est un construit.
L’adolescent se prête tout particulièrement à la confrontation aux limites sociales, lui qui dans sa recherche d’autonomie, règle sa vie sur la loi de son désir. Or, on n’obéit à une règle qui s’impose à tous comme à chacun que dans la mesure où on l’a intériorisé ou par crainte d’une sanction. Dès lors, faire respecter le Droit, c’est avant tout une oeuvre de socialisation. Judiciser les jeunes ce n’est pas opposer leurs droits à ceux des adultes. Ce n’est pas non plus, au prétexte de leur donner un statut, leur confisquer leur enfance. Non, c’est leur faire connaître leurs droits et leurs devoirs, les informer des conséquences de tout acte délictueux et leur permettre d’avoir accès à la justice. Cette rencontre avec la loi doit se faire sur un mode qui n’est pas stigmatisant. Ainsi la sanction est là non pas tant pour punir que pour responsabiliser. La loi n’est faite ni par l’éducateur, ni par le policier, ni par le juge. Elle s’impose à eux aussi. Tout n’est pas permis ni pour les jeunes ni pour les adultes.
La question qui se pose finalement c’est bien de savoir si l’enfant peut émerger de la dépendance à un adulte tutélaire en s’affirmant dans une position de citoyen.
Depuis 1990, l’association Thémis a relevé le défi. S’inscrivant dans le droit fil de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, elle poursuit trois objectifs: aider l’enfant et le jeune à exprimer ses problèmes, les formuler en terme de droits et faire prendre son opinion en considération. Tout jeune confronté à un problème de liberté ou d’autorité, de divorce ou de garde, de sexualité ou de violence, de scolarité ou de racket peut trouver à Thémis un espace de parole et d’information, de mise en route d’une procédure juridique, de conseil gratuit d’un avocat, d’assistance et de défense devant un tribunal. 200 jeunes et adultes accueillis en consultation en 1992, plus de 500 en 1994.
Après 4 années de fonctionnement, l’association a voulu ouvrir le débat. Elle a proposé au Parlement Européen les 25 et 26 Novembre 1994, les Assises du Non-Droit, dont ce livre regroupe les actes.
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°344 ■ 14/03/1996