Ados en vrille, mères en vrac
POMMEREAU Xavier, Albin Michel, 2009, 265 p.
Les pères n’ont jamais autant revendiqué leur paternité. Pourtant, ce sont les mères que l’on voit le plus se manifester et assumer, quand leurs fils ou leurs filles devenus adolescent(e)s passent par des périodes de crise grave. Xavier Pommereau nous dresse ici un tableau sensible et saisissant des relations complexes et douloureuses de six d’entre elles confrontées aux difficultés extrêmes de leur enfant. L’occasion pour lui d’aborder avec intelligence et pertinence les problématiques liées aux consommations à risque, à la délinquance, au suicide, à l’adoption, aux dérives sectaires et à l’anorexie. Que nous explique l’auteur, psychiatre et responsable du centre aquitain de l’adolescent ? S’il est bien une constante qui est commune à tous ces ados qu’il rencontre dans son quotidien, c’est leur souffrance existentielle. Les jeunes qui vont bien se démarquent volontiers des adultes, quitte à leur déplaire, mais ils prennent soin de se rattacher à leur groupe de pairs. Les ados qui vont mal se montrent à fleur de peau dans leurs relations sociales. Leur rigidité, leur intolérance et leur refus de toute concession démontrent leur profonde insécurité intérieure et leur extrême fragilité. Ils peuvent aller jusqu’à adopter des comportements démesurés s’attaquant à leur corps, à leur santé, voire à leur vie. Ne font-ils pas là que pousser jusqu’au bout le fonctionnement d’une société centrée sur la quête avide de jouissance instantanée, le culte de la performance et l’individualisation exacerbée ? Nombre de parents se montrent non pas démissionnaires, mais dépassés : par peur de perdre l’amour de leurs enfants, ils hésitent entre autoritarisme et laxisme, ne sachant pas ce qu’il faut permettre ou interdire. Pourtant, c’est bien à la génération adulte qu’il revient d’avoir à veiller aux besoins évolutifs des enfants, de poser des limites aux satisfactions immédiates et ce sans avoir à se justifier autrement que par son statut de référent. La capacité de situer chacun à la place qui est la sienne n’implique pas d’être méprisant, condescendant ou injuste, ou encore d’adresser des paroles blessantes ou stigmatisantes. Ce dont ont besoin les ados en général, et ceux qui vont le plus mal en particulier, c’est d’égard, de considération et de respect. Quels que soient leurs passages à l’acte ou leurs transgressions, ils attendent des adultes non seulement qu’ils prennent en compte leurs agissements, mais aussi et surtout qu’ils reconnaissent le malaise qu’ils traduisent. C’est un peu comme si, au travers de leurs comportements jusquauboutistes, ostensibles et provocants, ils attendaient secrètement qu’on s’intéresse à eux, qu’on s’inquiète pour eux et qu’on les aide à trouver des limites, en les accompagnant dans leurs essais et leurs erreurs.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°988 ■ 07/10/2010