Les bandes - L"entre-soi" adolescent
Il y a 30 ans, cette rubrique remonte le temps en remettant sur le devant des critiques parue il y a trois décennies… "Les bandes - L"entre-soi" adolescent"
Michel FIZE, Editions Desclée de Brouwer, 1993, 183 p.
Il n'y a plus de jeunesse ! Certains saccagent le mobilier urbain, cassent les vitres des maisons, brisent les étals des marchands.D'autres aiment tout particulièrement le risque et la violence, la provocation et la raillerie, la haine de la renifle (la police), des bourgeois et du travail.Les pires se déchaînent dans des comportements de l'horreur : entailler, à l'aide de lame de rasoir, les paupières d'ouvriers assoupis dans le train, pousser hors du wagon en marche ou sous les roues, une personne dont la tête ne leur revient pas. N'est-ce pas là la démonstration d'une dégradation spectaculaire d'une jeunesse entraînée dans un engrenage terrifiant depuis quelques années ?Les premières exactions rapportées ici sont l'œuvre de bandes de jeunes de Limoux en Languedoc, dénoncées par un dénommé Terrier, receveur de la chambre du sel de son état en... 1746 !Les seconds seront appelés par la presse du début du siècle, les "apaches".Quant aux derniers, ce sont des "hooligans" polonais des années 50. Le livre de Michel Fize est un ballon d'oxygène qui apporte de l'intelligence et de la clarté sur un sujet que les mass média prennent un malin plaisir à gonfler et à caricaturer.En fait, il ne faut ni tomber dans le déni (le phénomène serait une pure invention de journaliste) ni dans l'amplification outrancière.Les bandes existent bel et bien en France mais elles n'ont rien à voir (du moins pour l'instant) avec les gangs américains aux dérives mafieuses.Au départ, il y a cet ado cherchant en dehors de sa famille de nouveaux repères et rôles sociaux. La bande va alors être le véhicule de sa révolte et le refuge de son angoisse.Aujourd'hui, encore plus qu'avant peut-être, des ados sans père et sans repères, cherchent à exister en se retrouvant entre pairs ! Les jeux, la recherche du plaisir, la volonté de tuer l'ennui, c'est tout cela qui colore ces groupements. Bande de copains avant d'être bande de coquins, même si le désir d'être ensemble se fait parfois au risque de la violence : défense d'un territoire, histoire de filles... et c'est la baston.Quant à la délinquance, elle est un résultat accessoire et non un objectif.A travers l'histoire, on retrouve les mêmes mécanismes qu'on nomme ces bandes "apaches", "blousons noirs", "loubards", "casseurs" ou autres : rites d'intégration, mode vestimentaire, signe de reconnaissance (tatouage sur son corps ou tags sur le corps de la ville), langage (de l'argot au verlan), faible cohérence (la bande peut éclater à tout moment)...Bandes d'hier et d'aujourd'hui, on retrouve les mêmes réactions adultes, depuis les appels frénétiques à la répression jusqu'à la défense d'une politique de prévention. C'est là aussi un symptôme de l'état de la société. Pour ce qui concerne notre fin de XXe siècle, on ne peut que constater la panne de communication et des modes de régulation.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°269/270 ■ 14/07/1994