L’adoption aujourd'hui

Pierre VERDIER, Ed. Centurion, 1994.

Que de rumeurs, d'à priori et d'idées reçues à propos de l'adoption ! Des milliers d'enfants grandiraient dans les orphelinats quand parallèlement des couples attendraient en vain qu'on leur confie un de ces gosses qui ne demandent qu'à trouver une famille. Tantôt la faute en revient à une administration tatillonne et bureaucratique qui ferait traîner des années durant les enquêtes, tantôt ce serait les parents naturels qui, par le simple envoi d'une carte postale chaque année, bloqueraient toute possibilité d'adoption.
Pierre Verdier fait justice de bien des légendes dans ce qu'on peut considérer comme un véritable guide de l'adoption, qui propose un tour complet et passionnant de ce qui constitue le troisième mode de filiation après ceux qu'on désigne comme "légitime" et "naturel". Tradition grecque et romaine tombée en désuétude avec l'avènement du christianisme, l'adoption réapparaît en 1894, mais pour les majeurs seulement. Il faudra attendre 1923 pour qu'elle soit étendue aux mineurs répondant en cela aux nombreux orphelins de la guerre 14-18. Puis les lois de 1966 et 1984 établissent en la matière respectivement la primauté de l'intérêt du pupille (possibilité pour la Justice de décider d'un abandon de fait malgré la fameuse "carte postale") et le droit des usagers (limite du délai d'enquête, obligation pour l'administration de motiver son refus, ...). Si le désir de l'adulte est toujours premier, c'est néanmoins un Conseil de famille qui décide du couple qui sera choisi en fonction des besoins de l'enfant.
Pour autant, avec 1 000 à 1 500 adoptions par an, on est loin de pouvoir combler l'attente des 12 000 familles candidates. En 1991, sur 4 341 enfants adoptables, 2 961 restaient sur le carreau : enfants handicapés physiques ou mentaux, ou bien encore trop âgés. Des œuvres admirables travaillent avec quelques succès à encourager et favoriser l'adoption de ces laissés pour compte, mais sans que cela ne réponde aux besoins existants. La politique visant à favoriser le maintien des liens familiaux, ainsi que les progrès dans le contrôle de la fécondité, provoquent une diminution régulière du nombre d'enfants adoptables. D'où le boom depuis les années 70 de l'accueil d'enfants étrangers (environ 2 500 par an).
Une fois l'union réalisée entre l'enfant et le couple, il reste le plus merveilleux mais aussi le plus dur : la vie commune. Que le nouveau venu ait commencé sa vie sur un mode carentiel, qu'il ait été ballotté de l'un à l'autre, ou bien qu'il ait bénéficié de liens affectifs sécurisants, ses nouveaux parents devront faire preuve de la patience et de la compréhension nécessaires pour permettre le (r)établissement de son équilibre et de son épanouissement. Beaucoup de parents adoptants s'interrogent sur le secret qui devrait ou non entourer les conditions de l'arrivée de l'enfant. En cela, Pierre Verdier est très clair : il ne doit pas y avoir de révélation dans la mesure où jamais l'enfant ne devra ignorer ses origines.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°299  ■ 23/03/1995