Enfants d’ici, enfants d’ailleurs: l’adoption sans frontière - Rapport au Premier Ministre

Jean-François Mattéi, La Documentation Française, 1995

Le 8 février 1995, le professeur Jean-François Mattéi, député UDF, remettait au premier ministre d’alors un rapport sur l’adoption (1). Huit mois après, il déposait un projet de loi reprenant les propositions de modifications législatives qu’il avait alors formulées.  Ce texte a été voté par les députés et est actuellement examiné par le sénat. Voilà donc un rapport qui ne finit pas au fond d’un tiroir. Présentation.
Le document s’ouvre sur un bouquet d’idées reçues  qui encombrent encore bien trop une opinion publique très sensibilisée par ce sujet, et auxquels il tente de faire justice. Cela va de « seuls les couples stériles peuvent adopter un enfant »,  à « il y a des enfants français adoptés à l’étranger » en passant par « il faut dire aux enfants qu’ils sont adoptés »,  « on peut adopter à tout âge »,  ou encore « tous les enfants adoptables sont adoptés ». En tout 25 affirmations qui font l’objet de réponses claires et synthétiques.  Partir ainsi des aprioris permet de faire place largement aux approches tant sociologiques, qu’ethnologiques, psychologiques et historiques. L’adoption, bien qu’universelle, n’a pas la même signification selon les lieux et l’époque où elle se réalise.
Là où on en est aujourd’hui est clairement affirmé. L’adoption n’est pas un droit, pas plus qu’il n’y a un droit à l’enfant. Il ne s’agit pas de donner un enfant à des parents mais bien des parents à un enfant. Si la procréation biologique consiste bien à donner la vie à un être humain, adopter revient à se donner à la vie d’un enfant. Ces principes sont importants car ils marquent la prééminence de l’intérêt de l’enfant qui s’est progressivement imposé au cours des années et des évolutions législatives. Ainsi, la loi de 1966, véritablement fondatrice de l’adoption moderne a introduit au travers de la procédure d’agrément le sens de cette forme de filiation: il s’agit bien dès lors non pas d’acquérir un bien en fonction de son désir mais de garantir un environnement familial stable et épanouissant à l’enfant qu’on souhaite accueillir. Toutefois, la prise en compte de l’intérêt de l’enfant n’est pas allé jusqu’à remettre en cause le secret des origines plus connu sous le vocable « accouchement sous x ». Le rapport n’en prévoit pas la suppression, perpétuant ainsi le drame de citoyens contraints à vivre dans l’exception: être enfant de personne ...
Ce mouvement de fond, s’il se heurte encore à des résistances farouches, s’affirme aussi néanmoins au niveau mondial. La convention de La Haye, signée le 29 mai 1993, est venue ainsi préciser les modalités de protection de l’enfant au travers de la coopération des Etats dans le domaine de l’adoption internationale. Cette coordination semble d’autant plus importante que le nombre d’enfants étrangers accueillis a augmenté dans une proportion inversement proportionnelle avec la baisse du nombre d’enfants français adoptables.
Ce rapport constitue un véritable état des lieux, introduction utile et intéressante à ce sujet et aux modifications législatives en cours.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°342  ■ 29/02/1996