’’Née de Père et Mère inconnus’’ ou Le droit aux origines pour les abandonnés/adoptés

Annette Blain, L’Harmattan, 1995, 395 p.

L’ouvrage d’Annette Blain constitue un témoignage émouvant dont la lecture ne peut laisser indifférent. Après tant d’écrits de spécialistes juristes psychologues et autres, la parole est enfin donnée à quelqu’un qui a enfin vécu dans son âme et dans son corps le destin d’enfant abandonné.
La première partie du livre est consacrée aux souvenirs d’enfance de l’auteur. Contrairement aux affirmations qui voudraient qu’une amnésie infantile prive l’adulte de mémoire avant 6 ans, Annette Blain fait remonter ses premières traces mnésiques avant ses 3 ans. Elle nous décrit avec une verve et un style très attachant les premières années d’une petite-fille de l’entre-deux guerres au fin fond du Morvan. Mais c’est un récit de vie bien particulier qu’elle nous livre, puisqu’il s’agit des épisodes marquants d’une « Pupille d’Etat ». Et l’on suit la destinée de cet « enfant de l’assistance » placée dans une première famille d’agriculteur, puis dans une seconde à la mort de la première gardienne. Ce n’est pas là un tableau apocalyptique. L’aide assidue de la seconde assistante maternelle lui permettra d’ailleurs de continuer ses études et de devenir institutrice. Il y a seulement ces visites régulières du directeur d’agence de l’Assistance Publique qu’elle ne supporte pas: il vient contrôler qu’elle est en bonne santé et qu’elle porte toujours le collier qui est imposé par l’administration jusqu’à ses 7 ans. Il y a seulement la prise de conscience progressive que ces adultes nourriciers ne sont pas ses parents. Il y a seulement le sentiment d’angoisse de n’appartenir à personne.
Devenue adulte, elle prend connaissance de son premier acte de naissance. Ses demandes quant à l’identité de sa mère resteront sans réponses positives. Elle se marie et élève six enfants. Mais, elle reste minée par le néant de ses origines.  En désespoir de cause, et sans grande illusion, elle confie à un cabinet de recherche généalogique la tâche de reconstituer ses antécédents familiaux. Et là miracle: elle peut retrouver les traces de sa mère, de son père et de sa famille avec qui elle reprend contact.
Dès lors, Annette Blain ne va avoir de cesse que de se battre pour défendre la cause de ses semblables. Elle crée deux associations: l’une pour obtenir le droit à la vérité sur les origines pour les enfants abandonnés (1), l’autre pour faciliter les recherches des parents abandonnants(2). Et c’est tout ce combat qui constitue la deuxième partie de son livre, Elle y expose ses réussites: près de 400 personnes ont pu être ainsi aidées à retrouver avec succès leurs racines. Contrairement à l’idée reçue, ces retrouvailles se sont déroulées dans des conditions positives. Mais il y a aussi les échecs: le droit des enfants abandonnés à connaître leur origine n’a pas réussi à s’imposer à la société (maintien de la loi de l’accouchement sous x).
Annette Blain de son vrai nom Pauline Olivier est décédée le 27 décembre 1992 après de nombreuses années de souffrance indicible et la satisfaction d’avoir pu dans la dernière partie de sa vie reconstituer son identité. Son témoignage passionnant et souvent poignant devrait nous faire réfléchir.
 
 (1) Droit des Pupilles de l’Etat et Adoptés à leur Origine: DPEAO, 2 rue de la Censive 91310 Long-Pont-Sur-Orge
 (2) Généalogie-Abandonnés: Gen-Ab, 147 Bd Raspail 75006 Paris

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°342 ■ 29/02/1996