1 à 15 ans
Découper l’être humain en stades d’évolution a toujours un aspect arbitraire. Il existe pourtant des moments forts, des périodes cruciales, des phases de tension particulière qui marquent dans l’existence l’apparition et la maîtrise d’un comportement nouveau. Du moment qu’on n’utilise pas ces différentes étapes d’une manière normative, en parler et s’en servir comme autant de points de repère et de compréhension, peut être très utile. Les éditions Chronique Sociale ont publié quatre petits livrets pratiques et très facilement consultables qui recouvrent toute la période de la petite enfance à l’adolescence…
« 1 à 3 ans : vers une personnalité autonome »
Jean-François Skrzypczak & Roland Burlet, 2000, 96 p
Les trois premières années de la vie sont celles qui permettent au petit d’homme de sortir de la relation fusionnelle avec sa mère pour progressivement imposer son individualité et sa singularité. Cette évolution est le produit d’une étroite imbrication entre l’affectif et le biologique. L’acquisition de la marche et de la parole, ainsi que les stimulations qu’il reçoit vont amener l’enfant à sortir du rôle d’objet que l’on déplace à celui de sujet qui se meut par lui-même, pense et agit. Progressivement, la perception qu’il a du monde qui l’entoure (au travers tant des données sensorielles proprioceptives -à partir des organes du corps- qu’extérioceptives –informations venant de l’extérieur) lui permettra de prendre conscience de son propre corps qu’il appréhende alors d’une manière moins morcelée. Les pulsions qui l’animent s’unifient autour de certains pôles de plaisir dominant. Ce seront respectivement la bouche, l’anus et les parties génitales. Le jeu intervient dès 2 ans comme modalité compensatrice (réagir aux frustrations), liquidatrice (évacuation des tensions pénibles) et anticipatrice de gestion de ces pulsions.« 3 à 6 ans : l’enfant metteur en scène de sa vie »
Alain Guillotte & Thiébaud Lardier, 2000, 80p
Pour autant, l’enfant ressent encore des difficultés à bien distinguer entre l’extérieur et son intérieur mental. Il est animé d’une pensée magique, persuadé que le monde a été conçu pour le servir. A partir de 3 ans, se développent en lui des forces qui piaffent. La lutte entre le désir de satisfaire ses pulsions et celui de se conformer aux injonctions parentales est bien compliquée à mener. D'autant plus, que se joue là l'apogée de la sexualité infantile, l'enfant découvrant la volupté tout en recevant des consignes restrictives quant à l’ « économie de caresses » : il ne faudrait ni trop en demander, ni trop en accepter, ni trop en donner, ni trop en recevoir. Quand les pulsions et les normes sociales sont en harmonie, l’enfant se sent bien dans sa peau. Mais trop souvent, il est assailli de sentiments nouveaux et troublants : la honte, l’envie, la jalousie, la culpabilité. Et puis, il y a ces grandes peurs qui naissent des premières aspirations à l’individuation qui l’incitent à s’éloigner de ses parents, tout en ressentant l’insécurité de la nouvelle situation. Hésitant entre la relation de symbiose et les rapports basés sur la compétition, il réussira d’autant mieux à grandir qu’il aura été autorisé tôt à se permettre et à s’autoriser, autant de gages d’une responsabilisation structurante.« 5-12 ans : les enfants et leur enfance »
Michel Richard, 1998, 104p
C’est la crise de l’Œdipe qui caractérise la fin de cette période : la répression des pulsions et leur sublimation, le bornage des représentations inacceptables et l’intégration des valeurs morales vont alors permettre le passage de l’imaginaire au symbolique, de la dépendance à l’indépendance et de l’immaturité à la maturité. L’accession à un compromis stable et harmonieux débouche sur une longue période dite de latence, marquée par une grande sérénité, une sociabilisation importante, ainsi qu’un grand investissement intellectuel. Du narcissisme autocentré, l’enfant évolue vers la nécessité de partager et d’accepter l’autre. Les modalités d’apprentissage social qui s’amorcent alors compteront pour le reste de la vie. La relation avec le monde extérieur prend le relais de la relation parentale. L’enfant acquière en outre une autonomie spatiale en s’appropriant ses propres lieux. La spontanéité, la non-responsabilité et le non-choix, la fragilité, l’innocence, la non-maturité , la non-rationalité, l’aptitude au jeu, l’inventivité et la créativité qui font les particularités de cette enfance ne doivent pas être remises en cause par une volonté de vouloir plonger trop vite le jeune dans un comportement d’adulte.« 11-15 ans : les enjeux d’une révolution »
Albert Donval, Odette Thibault & Raphaël Gattegno, 1993, 112p
Cette période de relative tranquillité prend fin avec la pré-adolescence, période à laquelle l’enfant se trouve confronté à un triple phénomène de croissance physique, de poussée sexuelle (le complexe d’Œdipe se trouvant réactivé) et de révolution psychique (il peut passer très rapidement d’un besoin de sécurité à un besoin de liberté, d’un élan de tendresse et d’amour à des relents de violence et de haine, de moments de mutisme et d’enfermement à une ouverture tout azimut). Pour se protéger, le pré-adolescent développe parfois des mécanismes de défense, tels l’ascétisme (fuite devant la vie instinctuelle, le trop plein pulsionnel), l’intellectualisme (dérivation de ces mêmes pulsions vers des investissements intellectualisés) ou encore l’égocentrisme (tentative pour se maintenir au centre de lui-même). Cette période de vie est très marquée par l’aspiration à l’autonomisation. Plus intense aura été l’attachement, plus violente sera le détachement. Mais, alors même qu’il doit apprendre à se faire une place dans le monde des adultes vers lequel il s’engage à grand pas, le pré-adolescent cherchera toujours à vérifier la constance de l’amour de ses parents.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°546 ■ 05/10/2000
Tous ces ouvrages sont parus aux éditions Chronique Sociale 7, rue du Plat 69002 Lyon