L’enfant, acteur et/ou sujet au sein de la famille
Coordonné par Geneviève BERGONNIER-DUPUY, érès, 2005, 214 p.
Nos représentations de l’enfance ont longtemps suivi une logique verticale : cet être fragile et en devenir devait se transformer d’une manière diamétralement opposée à ce qu’il était au point de départ. Puis, cette vision a évolué, suivant en cela le « mouvement général de libéralisation de l’ordre social organisant la promotion de l’individu, de sa liberté, son plaisir et son épanouissement » (p.21) La conception unilatérale qui limitait l’enfant au seul rôle de réceptacle passif soumis à l’autorité des adultes a laissé place à un modèle pluridimensionnel. Plusieurs ordres de déterminants ont été intégrés, rétablissant toute la complexité de la question : l’inné et l’acquis, le biologique et le social, l’éducation et les pulsions/instincts loin de s’opposer interagissent. Notre façon de concevoir le petit d’homme s’est transformée : il est apparu dès lors comme un être humain à part entière, doté de capacités propres, cognitives sociales et affectives. On lui reconnut des aptitudes à agir sur lui-même, sur autrui ainsi que sur les milieux qui l’entourent. Il est devenu sujet de son propre développement et partenaire de son processus de socialisation, sans pour autant se retrouver isolé : l’enfant se trouve en fait au centre d’un puzzle de formes référentes qui contribuent toutes à élaborer son expérience sociale : « l’enfance moderne se construit sous une constellation de regards » (p.39) L’ouvrage coordonné par Geneviève Bergonnier-Dupuy donne la parole à 25 chercheur(e)s en sciences sociales qui évoquent les conséquences de ce redimensionnement sur la socialisation et l’éducation familiale. Ils démontrent notamment comment les potentialités supposées du fœtus ont bousculé les attentes parentales. Ils abordent aussi la multiplication des formes non traditionnelles de la famille (recomposée, monoparentale, homoparentale…) qui redéfinissent les cadres d’attachement des enfants allant bien au-delà du seul modèle nucléaire. Ils évoquent encore l’évolution qui fait de la famille contemporaine un univers paritaire dans lequel les droits de chaque membre doivent être respectés sans empiéter sur les droits des autres. Pour autant, malgré sa nouvelle place, pour se mobiliser à l’école, l’enfant a besoin d’un certain regard bienveillant et impliqué de ses parents, voire même d’une certaine rigidité propre à le stimuler. Les modalités éducatives de type souple ou laisser-faire nuisent à la bonne expérience scolaire. On retrouve là le paradoxe au cœur de l’injonction moderne faite aux familles d’avoir à veiller à l’épanouissement personnel de leur enfant, tout en le préparant à supporter une concurrence par laquelle il devra passer pour réussir à se doter du meilleur capital scolaire. On est donc bien dans une interaction permanente entre l’action engagée par la famille en direction de l’enfant et celle de l’enfant pour participer non seulement à son propre développement mais aussi à celui de sa famille.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°804 ■ 06/07/2006