Les enfants dictateurs. Comment ne pas céder à leurs caprices
Fred G. GOSMAN, Le Jour Editeur (Inter Forum, 3-5 avenue Gallieni 94251 Gentilly cedex), 1994, 162 p.
Voilà un ouvrage bien américain. Il est imprégné jusqu’au bout des ongles de ces deux ressorts « bien de chez eux »: le « politically correct » et le « programme ».
Au demeurant, pourtant, cela peut sembler sympathique. L’auteur commence par une critique en règle d’une certaine société de consommation. Certes, on a le réflexe de penser à ces dizaines de millions d’américains vivant en dessous du seuil de pauvreté. Mais les réflexes dénoncés ici ne sont pas limités aux seules couches moyennes. Qu’on en juge: l’attrait de la mode qui fait acheter de la « marque », le commerce florissant du jouet alimenté par cette manie qui veut que pour aimer son enfant il faut le noyer, le submerger de jeux dernier cri, la difficulté à lui dire non et à le confronter à la frustration, la razzia des jeux vidéo sur les économies domestiques, la montée de la violence dans le sport, ... Le constat ainsi fait d’une certaine déliquescence, reste la réaction possible. Ici, on n’évite pas quelques relans un peu « réacs »: l’auteur invoque avec nostalgie le « bon vieux temps » où les enfants écoutaient au lieu de parler et regrette ce présent où « nous sommes littéralement obsédés par le bonheur de nos enfants ». Derrière la dénonciation de l’amalgame dans le rôle de chacun, de l’importance prise par l’avoir sur l’être, de la surprotection qui ne prépare pas toujours à affronter la vie se profile cette idéologie du « politically correct » qui fait tant de ravages aux States. Sorte de nouvelle morale définissant la bonne conduite et le comportement acceptable, cette norme sert de référence pour juger de votre qualité d’individu et de citoyen.
Dans la plus pure tradition comportementaliste, Fred G. Gosman nous propose alors un « programme », sorte de menu des réjouissances permettant de restaurer la situation. Mais, en fait, ce programme se résume surtout à un article: la réhabilitation de la récompense et surtout de la punition pour renforcer les bons comportements et chasser les mauvais. La punition doit être sévère, codifiée d’avance,significative, efficace (haut pouvoir de nuisance pour l’enfant), immédiate, non sujette à amnistie et applicable quelques soient les remords parentaux. On a même droit pour le même prix à la liste des attitudes tombant sous le coup du traitement préconisé.
Il est évident que la sanction comme la valorisation font partie de la dynamique éducative, mais à côté de bien d’autres ressorts que sont le dialogue, l’autonomisation, la responsabilisation, la confiance, l’empathie, la verbalisation, la recherche de la signification réelle de l’acte posé, etc ... Eduquer n’est pas aussi simple que monter une mayonnaise: il ne suffit pas de battre en utilisant trois ingrédients.
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°308 ■ 25/05/1995