Raconte-moi une histoire. Apprenez à inventer des histoires pour créer d’autres liens avec votre enfant
Chase Collins -- Robert Laffont, 1994, 173 p.
Voilà véritablement un ouvrage qui ravit l’esprit en vous replongeant avec charme et délicatesse dans ce que votre enfance a de plus sensible. Avec Bruno Bettelheim, on a compris l’importance du conte de fées comme vecteur d’interprétation du monde pour l’enfant. Avec Chase Collins, on apprend à se transformer en conteur. D’aucuns réagiront vivement « je n’en suis pas capable », « je n’ai pas d’imagination » ou encore « je n’ai rien à dire » ... Que nenni, tout cela n’est que billevesée et mauvais prétexte. Vivre avec un enfant au quotidien demande une indispensable créativité: virer de bord, prendre la tangente, modifier son approche, toutes choses qui forment justement les conditions requises pour raconter une histoire ! Car le secret du bon conteur, c’est de partir de ses richesses intérieures en se focalisant sur ses propres émotions et l’amour qu’on ressent pour son enfant.
Quelques conseils toutefois.
Tout d’abord, le cadre et l’ambiance: raconter une histoire, c’est avant tout un moment de relaxation. C’est un instant de bonheur, de détente et de confiance réciproque. Il faut donc choisir un lieu calme, intime et confortable susceptible d’offrir les conditions requises. Baissez la lumière, supprimez toute perturbation, établissez un contact physique avec votre enfant: imprégnez-vous de cette ambiance avant de commencer.
La trame, elle, doit suivre 5 étapes. En premier, choisir un héros sympathique. Vous l’investirez de vos propres sentiments et des qualités que l’enfant apprécie. Même s’il n’est pas parfait, il doit en tout cas être attachant. Ce personnage devra ensuite entreprendre un voyage ou une quête (recherche d’aventure, d’un foyer, d’un compagnon, de nourriture, ...). C’est alors que survient un danger: l’adversité, la menace, le défi ou les difficultés sont les ressorts incontournables de votre récit. Pour autant, une solution existe graçe aux qualités même du héros. Et c’est la fin heureuse qui se conclut par un retour au foyer. Cette structuration est celle qui répond le mieux aux besoins de l’enfant: lui insuffler de la force, façonner sa vision de l’avenir. Les anti-héros, les fins tragiques ou cyniques ne sont pas constructifs car les enfants n’ont pas assez vécu pour apprécier la réalité dans toute sa complexité. Leur tendance à polariser très facilement les empêche de bien comprendre l’ambiguïté de la vie à plus juste raison de vos contes si vous les faites trop cyniques.
Tout objet faisant partie de l’univers proche de l’enfant pourra devenir symbole. Faites confiance à l’enfant sur sa capacité à comprendre et interpréter et surtout « ne coupez pas les ailes à l’imagination avec le rasoir des explications »!
Essayez: c’est magique!
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°314 ■ 06/07/1995