Plaisirs d’enfances - l’enfant, acteur du lien social

Institut de l’Enfance et de la Famille, sous la direction de Martine Glaumaud-Carré, 1996, 165p.

Les journées d’étude et autres colloques sont légion chaque année. La lecture de leurs actes respectifs n’est pas toujours facile. Aussi, lorsqu’une initiative est prise pour synthétiser les travaux de 4 d’entre eux, on ne peut que s’en féliciter. L’Institut de l’Enfance et de la Famille a souhaité présenter les travaux mettant en avant l’importance du plaisir, de l’imaginaire, du rêve dans l’épanouissement et le bonheur du petit enfant.

On pourra s’attarder tout particulièrement sur trois communications.

Celle tout d’abord de Liane Mozère qui retrace l’historique des crèches. Apparues en 1844, elles entrent avec les découvertes de Pasteur sur l’asepsie dans une ère hygiénique qui porte la chasse au microbe au niveau d’un principe essentiel de fonctionnement. L’enfant est alors déshabillé à son arrivée, baigné et revêtu de vêtements propres de la crèche, le contact avec l’extérieur se faisant par l’intermédiaire d’un sas. C’est l’embauche de psychologues à partir de 1965 et surtout les remises en cause qui suivent mai 1968 qui vont bousculer les pratiques.

Gilles Brougère nous propose quant à lui une analyse décapante de la notion de jeu. Considéré pendant longtemps comme une perte de temps et une futilité, cette activité a acquis ses lettres de noblesse au point de la voir élevée au rang d’expression la plus accomplie de la nature fondamentalement positive de l’enfant. On est passé ainsi d’une diabolisation à une idéalisation sans beaucoup de mesure d’un jeu dont aucune étude véritablement scientifique n’est venue véritablement repérer les potentialités tant positives que négatives. Très vite, les adultes ont voulu le domestiquer aboutissant au paradoxe de vouloir contrôler voir organiser un jeu au prétexte que sa valeur essentielle réside dans sa spontanéité, ce qui provoque aussitôt la perte de la qualité dont on l’affuble. Il s’avère, en fait, qu’il n’est nullement spontané, mais le produit d’une interaction entre l’enfant et le contexte de socialisation dans lequel il se situe. En outre, il peut tout aussi bien recouvrir des aspects pervers, pauvres, sexistes, violents ou sans intérêts. Il ne constitue donc nullement une expérience intrinsèquement valorisante.

Enfin, dernière contribution à laquelle nous ferons référence ici, celle d’Albert Ciccone, consacrée à la douleur psychique du bébé. Il y est question de l’état mental du premier âge et des angoisses primitives qui l’assaillent. Le nourrisson a un besoin vital de reconstituer régulièrement l’image mentale de sa mère, nécessaire au maintien de sa sécurité intérieure. Cette relation affective, privilégiée, riche et significative permet que l’enfant édifie un sentiment de confiance en soi. Son absence provoque au contraire chez lui un sentiment de base extrêmement négatif qui facilite la dispersion et la dissociation propices soit à une immobilisation de la vie psychique soit à une mise en mouvement perpétuelle qui constituent des modes de défense et de survie des plus préjudiciables quand elles se pérennisent.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°381 ■ 16/01/1997