Vivre en crèche. Remédier aux douces violences

Christine SCHUHL, Chronique Sociale, 2003, 80 p.

Aujourd’hui, un enfant sur trois connaît la crèche collective, familiale ou parentale ou la halte-garderie. Son éveil et sa stimulation sont au centre des préoccupations des adultes qui y travaillent. Mais, insidieusement, une dérive s’est installée, faite de routine et de gestes rapides, de commentaires négatifs et de mots blessants. Ce n’est pas de la maltraitance ni encore moins de la négligence, juste des instants éphémères où le professionnel n’est plus dans la relation à l’enfant, où il se laisse emporter par un jugement un a priori, une étiquette, plaçant l’enfant en situation d’insécurité affective. Cela peut prendre la forme de rythmes imposés systématiquement (tout le monde fait la sieste, joue dans la cour, mange ou est changé en même temps), l’absence de représentation de l’acte qui va être posé (on ne dit pas à l’enfant ce que l’on va lui faire), paroles irrespectueuses sur l’enfant (appelé par des diminutifs parfois peu élogieux ou rudoyé pour avoir « encore fait dans ses couches »)  ou ses parents (mal jugés car par exemple arrivant toujours en retard). Or, l’enfant a besoin, pour grandir dans de bonnes conditions, de relations stables et respectueuses. C’est à partir de ces liens de confiance avec l’adulte qu’il se construit. « Il ne s’agit pas de faire le procès de toutes ces professions qui accueillent l’enfant, ni de dénigrer le travail effectué tous les jours dans les collectivités. Il est nécessaire de susciter des questionnements » (p.28) Les premières explications possibles sont d’ordre institutionnel : rythme de journée bien trop soutenu, trop grand nombre d’enfants inscrits rendant la disponibilité plus difficile, budget limité, espace statique qui n’évolue pas, architecture mal adaptée. Mais ce n’est pas parce que le quota d’enfants explose, que les subventions sont supprimées, que la collègue est encore absente et que les locaux sont vraiment trop mal fichus, que cela justifie de se décharger sur l’enfant. Les professionnels s’enferment parfois dans ce qu’ils ont à faire, sans échanger entre elles (les salariées sont à 98%, des femmes) et encore moins innover. Trop souvent, l’organisation est saturée de repères difficilement modifiables. Autres causes, des parents parfois exigeants et rigides qui font pression et des enfants qui peuvent pousser les professionnels hors de leur limites (caractère très fort, physique ingrat). Bien sûr, il n’existe pas de solutions uniques pour remédier à cette situation. Analyser ces douces violences est un travail de longue haleine qui nécessite de la patience et beaucoup d’honnêteté vis à vis de soi-même. C’est ce que l’auteur propose dans les formations qu’elle assure. Elle évoque quelques pistes d’action : aménager des temps de parole au sein de l’équipe, définir ce qu’est une position professionnelle, analyser ses pratiques et surtout accepter de se remettre en cause.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°670 ■ 19/06/2003