Corps sexués de l'enfant et normes sociales. La normativité corporelle en société néolibérale
NEYRAND Gérard et MEKBOUL Sahra, Éd. érès, 2013, 238 p.
La révolution anthropologique qui bouleverse notre société, notamment dans les rapports de genre, a-t-elle eu des conséquences sur les représentations du corps de l'enfant ? C'est la question posée dans cet ouvrage qui tente d'apporter des réponses dans différents registres. Celui de la santé, par exemple, qui apparaît comme un nouveau support de normalisation, la lutte contre l'obésité ou l'éducation à la sexualité étant devenues, en matière de prévention, l’une priorités d’un État supplantant l’éducation familiale. Autre illustration, celui de la maltraitance donnant au combat contre la pédophilie une importante place, jamais occupée jusque là, alors même que l'essentiel des mauvais traitements se déroule au sein de la famille. Les droits de l'enfant ont permis de renforcer l’attention législative et règlementaire particulière portée au travail des mineurs qu'ils soient mannequins ou acteurs. Quant à la psychopathologie, elle a été marquée par la mobilisation contre le rapport de l'INSERM. Préconisant une évaluation à base statistique dès le plus jeune âge des risques encourus concernant les troubles du comportement considérés comme d'origine biologique, celui-ci a provoqué une opposition massive. Le droit positif a du renoncer au naturalisme qui privilégiait des principes fondés sur la séparation des sexes, au profit de la prévalence des identités transgenres. Pour ce qui est des stéréotypes de genre, s'ils perdurent encore largement dans la publicité à destination des enfants, ils sont bien moins présents dans les dessins animés s’ouvrant à la diversité des rôles masculin et féminin. Bilan contradictoire donc, qui montre comment notre société réagit avec ambivalence, à la fois réitérant les normes traditionnelles tout en laissant la place à un discours sur la réalisation de soi qui les bouscule.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1143 ■ 12/06/2014