L’enfant et le couple en crise
Jean-Luc VIAUX, Editions Jeunesse et droit –Dunod, 1997, 219 p.
Parole d’expert auprès des tribunaux ne signifie parole absolue. L’auteur, président de la société française de psychologie légale commence son ouvrage en expliquant que celui dont la parole fait autorité auprès des tribunaux n’a pas reçu dans son cursus universitaire une seule heure de formation sur les questions qu’il est amené à traiter. Et de délivrer un vibrant appel : “ que ceux qui ont été victimes de mes erreurs d’analyse veuillent bien me pardonner ”. Cette entrée en matière ne peut que rendre Jean-Luc Viaux des plus sympathique. L’auteur persiste dans son esprit critique en s’attaquant à toute une série d’idées préconçues. Ainsi de l’affirmation qui voudrait que la séparation soit forcément traumatisante pour l’enfant : “ mais la cohorte des enfants de familles séparées n’est pas composée à 75 % de mauvais élèves, de délinquants, de clients des psychiatres. Ni plus, ni moins, probablement que d’autres groupes et que d’autres enfants vivant chez leurs deux parents ” (p.130) Et de s’appuyer pour le démontrer sur l’étude réalisée au Danemark entre 1961 et 1971 sur un groupe de 500 enfants issus de 322 familles séparées. Il s’avère que si 28% d’entre eux ont effectivement été traumatisés, 28 autre % ont vu leur équilibre s’améliorer et 44% semblent n’avoir été affectés ni positivement, ni négativement. La question posée par l’auteur est bien, dès lors, de savoir si l’on ne peut pas vivre aussi bien sinon mieux sans un parent inadéquat qu’avec ! Autre préjugé pourfendu, celui concernant la garde alternée qui semble être unanimement rejetée par la plupart des professionnels (magistrats, psychologues, travailleurs sociaux) qui prétendent s’appuyer sur des études qui en fait n’ont jamais existé. Aucun mode de garde n’est en soit mauvais s’il respecte la particularité de chaque enfant, pour autant du moins qu’on sache comprendre le besoin que celui-ci exprime : “ se faire le traducteur de la parole de l’enfant pour la faire entendre, ce n’est pas la transposer telle quelle mais en montrer le pourquoi et le comment ” (p.196). Cette parole qui n’a curieusement pas la même valeur selon qu’on la recueille au pénal ou au civil, le premier reconnaissant l’“état d’entendement ” bien plus tôt que le second ! Jean-Luc Viaux consacre de longues pages aux modélisations qu’il utilise pour ses propres expertises : conflit entre adultes tournant autour de la possessivité, de la faille d’identité que vient étayer l’enfant, de la lutte contre la dépression, le parent qui peut être rigide ou dominé, déprimé ou abandonnique : “ on fait du contentieux pour ne pas déprimer, on ne déprime pas pour ne pas faire deuil, on ne fait pas deuil pour ne pas perdre l’autre tout à fait, on cherche donc à gagner en justice contre l'autre, pour ne pas le perdre … on garde l’enfant aussi pour ne pas perdre l’autre en l’enfant mais en détestant en l’enfant ce qui est l’autre ” (p.85)
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°434 ■ 19/03/1998