Anne ANCELIN SCHÜTZENBERGER, épi, 1994, 204 p.

Ce qui a toujours été utilisé par les médecines traditionnelles commence à être étudié sérieusement par la science moderne: on prend conscience aujourd’hui que les états d’âme des individus (qu’ils soient tristes ou gais, qu’ils se sentent coupables ou plein de ressentiment) influerait sur leur système immunitaire. La mise à jour des neurotransmetteurs supports de ces phénomènes laissent entrevoir des découvertes bien plus étranges encore correspondant à ces transmissions et communications entre inconscients tant des individus que des générations. L’observation et l’expérience ont permis d’élaborer des modèles conceptuels bien étonnants
Il en va ainsi du concept de loyauté, cette identification inconsciente à un membre de sa famille souvent tragiquement disparu tel ce patient géologue et amateur de chasse aux papillons (qu’il achevait dans un bocal de cyanure) qui découvre au travers de sa cure l’existence d’un grand-père (dont la famille refusait de parler) qui a connu le bagne (où il cassait des cailloux) et est mort dans une chambre à gaz !
C’est encore le cas ces enfants ‘’de remplacement’’ qui viennent compenser un autre enfant voire un parent mort et pour lequel le deuil ne s’est pas accompli.
On parle aussi à propos des échecs scolaires d’enfants intelligents, de ‘’névrose de classe’’ qui se manifeste sous la forme de crainte ou d’ambivalence quant au risque de faire mieux que ses parents et ainsi se couper d’eux socialement ou professionnellement.
C’est encore ce ‘’syndrome d’anniversaire’’ qui voit une naissance, un mariage ou une maladie intervenir à une date anniversaire marquante pour la famille bien que parfois inconsciente. A l’image de ces deux premiers présidents américains morts le même jour, cinquante après la déclaration d’indépendance (le 4 Juillet 1826), ou encore du petit cousin de Louis XVI mort en 1989 d’une fracture du crâne, à quelques jours de l’anniversaire de la décapitation de son aïeul et ce juste après avoir été reconnu comme l’héritier du trône de France ... Tout aussi intrigant, cet exemple de fixation sur une date: une patiente venue consulter un 12 mai se rappela que c’était aussi un 12 mai que sa mère était morte d’un cancer. L’année suivante, ce même jour, son oncle eût un accident mortel. En triant ses papiers de famille, elle s’aperçut que son grand-père était mort d’accident et son grand-oncle ainsi que le parrain du grand-père étaient décédés à la guerre ... un 12 Mai
L’auteur conduit sa psychothérapie à partir de l’arbre généalogique du patient enrichi des faits historiques, culturels, politiques, militaires, socio-économiques de l’époque. Elle essaie alors d’isoler un certain nombre de signifiants qui, travaillés et associés par le client, lui permettront de donner un sens et une explication aux faits et événements ayant conduit aux difficultés qu’il connaît.
D’une écriture fluide et fort agréable, Anne Ancelin Schützenberger nous livre une foultitude d’informations passionnantes agrémentées de ‘’récits de vie’’ illustrant d’une façon troublante ses théories.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°328 ■ 16/11/1995