La parentalité en question. Les parents sont-ils si nuls?
Éditions Non-violence actualité, Collection Pratiques de non-violence n°3, 2006, 112 p.
Il est devenu banal d’attribuer la montée des incivilités, des comportements délinquants et de la violence des jeunes à l’incapacité des parents à assurer la socialisation de leurs enfants. Ils auraient échoué dans la transmission de l’apprentissage des normes sociales. On accuse ces familles d’avoir démissionné. S’il en était ainsi, cela signifierait qu’elles sauraient quelle attitude adopter, mais qu’elles n’auraient pas le courage de la mettre en œuvre. Ce n’est pas vraiment ce qui se passe. Pendant des décennies, les médias ont véhiculé des discours faisant l’apologie de la liberté, de l’autonomie et de l’éducation sans contraintes. Cette vision nouvelle a profondément modifié les représentations sur l’enfant. On le considère aujourd’hui, comme une personne dotée de désirs et de besoins que l’on consulte et à qui l’on demande son avis. Cette redéfinition des places respectives des pères, des mères et des enfants, dans le sens de la reconnaissance de l’autonomie de l’individu a donné toute sa place à la parole et au partage au sein des familles, venant ainsi bousculer une organisation millénaire. Dans la société rurale traditionnelle, le dialogue entre les membres de la famille n’était pas indispensable à une vie quotidienne réglée depuis toujours par le rythme de la nature, des rituels éprouvés et l’obéissance aux anciens. Mais il l’est dans une société aux repères flous et aux codes changeants et complexes tels que la nôtre aujourd’hui. On ne saurait porter un regard nostalgique sur le passé. Pour autant l’évolution positive et nécessaire des cinquante dernières années comporte un certain nombre d’effets pervers. Ainsi, les adultes, en se plaçant sur un pied d’égalité avec l’enfant, se laissent trop souvent submerger par ses exigences qu’ils finissent par accepter sans broncher. Autre exemple, du principe de négociation qui apparaît porteur en lui-même de dialogue et d’échanges réciproques et qui peut s’appliquer à bien des domaines. Mais, la confusion règne quand on l’applique aux règles, qui, dès lors qu’elles sont négociées n’en sont plus ! L’exercice de l’autorité parentale s’en est trouvé précarisé. Beaucoup se questionnent pour savoir comment faire. Un sentiment de culpabilité grandit. Devenir parent sujet de devoirs et de droits suppose tout un parcours. Comment, sur simple injonction, respecter les exigences d’une société qui a changé sans toujours savoir elle-même en assumer les implications ? C’est pour ne plus laisser les parents seuls que de nombreuses structures de soutien ont vu le jour, pour les accompagner dans cette tâche.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°°853 ■ 20/09/2007